Jean-Marie Mabiti
La Constitution de 2006, qu’il a eu l’honneur de promulguer et à laquelle il a promis allégeance et soumission au service du peuple congolais, ne lui donne aucune chance pour revendiquer un troisième mandat. Bien plus, le bilan de son règne ne lui confère aucune de ces légitimités que les grands hommes acquièrent soit à travers leurs réalisations, soit par des hauts faits d’armes, soit de la rectitude dans la gestion de la Cité. Il court le risque de se voir jeter dans les oubliettes de l’Histoire.
Il ne lui reste plus qu’à préparer sa sortie par la grande porte. Et surtout de garantir une paisible vie après la Présidence. Aucune garde présidentielle, fût-elle loyale jusqu’à la mort, ne le peut. Aucun État « ami » ne le peut. Encore moins les dollars américains. Seule la Constitution et le peuple congolais sont à même de fournir cette sécurité existentielle.
Alors, disons-le terre-à-terre : « il n’est pas trop tard pour bien faire ». Joseph Kabila dispose de la capacité d’imprimer sa marque dans l’Histoire du Congo. Sans prétention aucune, je m’en vais lui citer quelques « remèdes miracles ».
Primo. La restauration de l’Administration publique. Le citoyen doit se sentir sécurisé et servi par les services publics. Cela passe par le respect des Statuts des fonctionnaires et une injection massive des moyens budgétaires. Les fonctionnaires doivent sortir de l’actuelle condition de clochards de la République. En cette période intermédiaire entre la fin de la centralisation à outrance et la décentralisation, tout est encore possible. Il faut mettre fin –– par une révision constitutionnelle partielle –– à l’existence de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), une structure mammouth conflictogène qui donne des Congolais l’image négative des invétérés fraudeurs. L’énorme budget dont la CENI dispose serait mieux utilisé pour requinquer l’Administration, lui permettre de mieux assumer ses fonctions fondamentales : recenser la population et tenir à jour le registre de la population, organiser les élections échelonnées à travers la République. Il est temps de refaire de l’Administration un socle apolitique au service de tous. C’est le meilleur rempart contre l’arbitraire.
Secundo. Le Gouvernement de la République répète à longueur des journées que le pays réalise un taux de croissance de plus de 8% ces dernières années. Chaque pourcentage en plus doit se traduire par une amélioration quantitative et qualitative de la vie de la population. Pour se faire, Joseph Kabila doit renoncer à des slogans creux du genre « Révolution de la modernité », pour achever celui plus consistant des « Cinq chantiers », enterrés trop tôt. L’instauration d’un index salarial négocié avec les partenaires sociaux est impérative. Il doit donner l’eau et l’électricité à la population, permettre au paysan et au pêcheur d’écouler leurs produits... Bref, redonner espoir et confiance aux Congolais, actuellement désabusés.
Tertio. Joseph Kabila doit rassurer. Il n’est, certes, pas obligé de crier sur tous les toits qu’il n’ambitionne point de troisième mandat. Cela ne coule-t-il pas des sources ? En revanche, il devra éviter toute attitude ambiguë de nature à susciter la polémique. Indépendant et n’appartenant à aucun parti politique, il doit demander, à ceux qui se réclament de lui, de se préparer activement aux futures échéances électorales plutôt que de distraire le monde. Une victoire des alliés aux prochains scrutins lui assurerait une garantie supplémentaire. Pour autant qu’ils restent loyaux envers lui.
Quarto. Joseph Kabila doit se rappeler que le Congo n’est pas une propriété personnelle ni familiale. Le Congo appartient au peuple congolais ; lequel existait avant son avènement et continuera à vivre, longtemps après son passage à la tête de l’État. Il devra faire ce que les Kinois appellent « retour à mémoire » et se poser des questions essentielles suivantes : D’où vient-il ? A-t-il jamais pensé, dans ses rêves les plus fous, devenir Président de la République du Zaïre (devenue Congo démocratique) ? Qu’a-t-il fait au cours de ses treize années à la tête de l’État pour mériter respect et reconnaissance du peuple congolais ? Où va-t-il ? Qu’adviendra-t-il de sa famille à partir de janvier 2017 ?
Il n’est pas trop tard pour bien faire. Son destin a croisé, un jour, celui du peuple congolais. Il doit veiller à ne pas gâcher ses chances de survie après la Présidence et, peut-être d’autres chances pour rencontrer, à nouveau, le destin du peuple congolais.
Il y a toujours « une vie après la Présidence », comme dirait le prof. André Mbata. À condition d’avoir bien servi.
© Congoindépendant 2003-2014
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