dimanche 31 août 2014
Carte blanche : RD Congo, le retour des mauvaises habitudes
La révision constitutionnelle au Congo est un débat mal engagé. Elle semble vouloir se faire au profit du pouvoir en place et au détriment des vrais problèmes que pose le texte actuel.
La question d’une éventuelle révision constitutionnelle domine et agite actuellement le débat politique en République démocratique du Congo. Pourtant, à y regarder de plus près, cette question mériterait un débat dépassionné, car la manière dont l’actuelle Constitution a été élaborée puis adoptée, ainsi que certaines de ses dispositions, inviterait plutôt à devoir la réaménager sur certains points.
Pour commencer, la loi sur la nationalité (une et exclusive) ne correspond plus à la réalité socio-démographique actuelle, marquée par les fortes migrations des années 80-90 et par un nombre sans cesse croissant de sujets congolais disposant d’une autre nationalité que celle d’origine. Ainsi, c’est par un simple moratoire (déjà dépassé) qu’il a été mis fin aux nombreuses contestations (postélectorales) de certains élus, depuis les scrutins de 2007, pour cause de “double nationalité” !
Ensuite, on peut citer de nombreux exemples de dispositions saugrenues ou sujettes à caution, et qui font que sur plusieurs plans la gestion du pays se fait dans l’illégalité si l’on s’en tient stricto sensu aux termes de sa Constitution actuelle. C’est notamment le cas de la forme du régime, voulu “semi-présidentiel”, mais qui fonctionne comme un régime présidentiel pur et simple. De même, le type de décentralisation prôné, avec augmentation du nombre de provinces et un mode de saisie de recettes fiscales à la base, s’avère irréaliste et inadapté.
Déjà lors du référendum constitutionnel de 2006, de nombreux acteurs politiques et de la société civile avaient appelé soit au rejet de cette Constitution (considérée comme une sorte de prime aux belligérants ou centrée autour d’une personne et de ses protagonistes de l’époque), soit à l’amender le plus vite possible après la période de transition.
Malheureusement, la manière dont la majorité au pouvoir a lancé ce débat vient fausser la donne. Car au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes posés par ladite Constitution, de chercher à améliorer la gouvernance démocratique, ou de renforcer les droits et libertés des citoyens, la majorité semble privilégier sa révision dans le seul sens du renforcement ou de la conservation du pouvoir. Déjà en 2011, une première modification fut hâtivement adoptée par le Congrès : celle-ci renforça les pouvoirs du président de la République et réduisit l’indépendance du pouvoir judiciaire; mais surtout, elle ramena à un seul tour le scrutin de l’élection présidentielle, afin d’éviter que le président sortant ne soit confronté à une coalition de l’opposition regroupée dans un éventuel second tour.
Dans le débat actuel, la majorité semble viser surtout la suppression ou la modification d’une disposition verrouillée dans la Constitution (art. 220) pour permettre à Joseph Kabila de rempiler pour un nombre illimité de mandats présidentiels !
Ce type de débat a cours non seulement en RDC, mais aussi ailleurs en Afrique. Pourquoi alors inscrire dans des constitutions des dispositions verrouillées dont on sait à l’avance qu’on ne les respectera pas ? Au Congo, Mobutu modifiait la Constitution très régulièrement selon les besoins de son pouvoir et presque suivant ses sautes d’humeur; Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel président, gouvernait par décrets, affichant ainsi clairement la nature autocratique de son pouvoir; Joseph Kabila, qui déclare prôner une “révolution de la modernité”, tend à emprunter au mobutisme des pratiques d’un autre temps, mais dissimulées sous les oripeaux d’une démocratie de façade !
Après la fin (quasi simultanée) des “partis uniques” dans les années 90, certains chefs d’Etat africains reviennent donc avec une nouvelle “spécificité” pour s’éterniser au pouvoir au nom d’une soi-disant “volonté” populaire. Il y a bien sûr des pays africains qui ont atteint un point de non-retour en termes de maturité démocratique. Mais au regard de nombreuses pesanteurs et lenteurs qui affectent les trajectoires politiques de nombreux autres pays, l’Afrique a encore un long chemin à parcourir vers la démocratie, la RDC donnant souvent à cet effet l’exemple parfait de ce qu’il ne faudrait pas faire.
Dieudonné Wamu Oyatambwe
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