Chers tous,
Le débat sur la proclamation, par la CENI, des résultats provisoires de l’élection présidentielle, en RDC, devient passionnant et surtout passionné au sein de notre forum. Beaucoup d’intervenants pensent malheureusement avec leur cœur en lieu et place de réfléchir avec leur tête. Tout ce « marchandage électoral » me semble un passage du coq à l’âne sans transition aucune. C’est l’une des raisons qui explique mon grand silence dans ce tourbillonnement inutile des cœurs. J’essaie donc d’éviter, au possible, cette pente dangereusement glissante où certains esprits malins voudraient nous conduire. En ce qui me concerne personnellement, je n’ai aucun avis à émettre sur ce qui s’est réellement passé puisque vivant actuellement en dehors du pays. Mais, comme la plupart d’entre nous, je m’informe et me forme davantage grâce aux nouveaux moyens de communication (sociale) : radio, TV, presse écrite, Internet, téléphone, etc. Sans porter un jugement de valeur sur ce fameux scrutin, j’apprends –et c’est le cas de beaucoup d’entre nous– qu’au niveau de la CENI, rien n’a été organisé dans les règles de l’art. En d’autres mots, si l’on se réfère à la carte sociologique ou aux données ethnologiques des résultats publiés par la CENI, il y a lieu d’arguer que les élections n’ont pas été tenues dans les conditions optimales requises. Sans verser dans la polémique en cours, ceci relève au moins d’une certaine véracité des faits du terrain.
Si j’interviens aujourd’hui, c’est juste au sujet de la question traitant de l’Église catholique congolaise qui semble aujourd’hui diabolisée à outrance sur LISAGO à la suite de la prise de position de son Cardinal concernant ces élections qui, véritablement, nous divisent plus qu’elles nous unissent dans notre famille des intellectuels de la grande Province Orientale. Dans cette option, je ne cherche pas à savoir qui a raison et qui a tort. Je donne ici simplement mon point de vue autour de cette question, sur la base d’une certaine expérience. Dans un ancien message dans ce même forum, j’avais souligné une question véridique, relative au fait que chaque membre de LISAGO sait pertinemment bien « qui roule pour qui » ou « qui est qui » au travers de nos interventions multiformes. Chacun de nous sait donc désormais « avec qui » composer dans notre forum. Tout cela en dehors bien sûr de tout le « tralala identitaire» que nous exprimons quotidiennement en rapport avec notre unité et fraternité. Ceci me paraît une évidence. Pour être concis, je me penche sur une double problématique abondamment abordée dans LISAGO : le cas de l’Église catholique au Congo dans son ensemble et celui du Cardinal Laurent MONSENGWO PASINYA.
1. De l’Église catholique romaine au Congo
Dans une intervention datant de juillet 2009 en réponse à un frère qui éprouve du mal à accepter le bien-fondé de l’Église catholique en RDC, j’avais essayé de me casser en mille morceaux pour démontrer le bien qu’apporte cette Église confessionnelle au service de la population congolaise. Présente sur toute l’étendue de la RDC dans ses 47 diocèses catholiques, notre Église se distingue largement dans les actions sociales en faveur des plus pauvres et des démunis : services de développement bien structurés, œuvres médicales à la hauteur, œuvres sociales au chevet des masses rurales et urbaines, meilleurs hôpitaux et centres de santé, meilleures écoles primaires, secondaires et universités, etc. Ceci démontre que l’Église catholique a été et reste toujours aux côtés des plus faibles. Qui ferait mieux dans un pays où la majorité des citoyens « se débrouillent » pour survivre ? C’est là toute la question… Sans minimiser le rôle aussi capital et salutaire joué par les autres Églises traditionnelles (les protestants ou baptistes, les méthodistes, les kimbanguistes, etc.), j’estime tout de même que l’Église catholique reste largement unique en son genre, différente de toute la cohorte des « BINZAMBI NZAMBI » et d’autres « nouveaux messianismes » disséminés en RDC et qui font gravement la honte de notre pays. D’ailleurs si cela dépendait de moi, toutes ces « officines pécuniaires » seraient fermées il y a belle lurette.
Au terme de ma réaction, ce quidam et opposant farouche à l’Église catholique avait semblé me donner raison, mais malheureusement en débitant d’autres conneries et absurdités pour se faire valoir de notre opinion. Je vous raconte cette petite anecdote juste pour vous dire que, dans LISAGO, il est des gens [« sunt qui » comme disaient les Latins] qui n’acceptent et n’accepteront jamais une quelconque action qui vienne de l’Église catholique, fut-elle bonne… Ceci me pousse à croire que nous avons, dans le forum, d’éminents scientifiques et savants qui n’écoutent que les pulsions de leur cœur. Faudrait-il continuer à débattre dans ce cas ? Je pense sincèrement que NON. Bien plus, dans notre forum, j’ai comme l’impression qu’il y a peut-être des gens qui n’ont rien à faire, en se consacrant essentiellement à l’Internet pour s’opposer à tout. Comment croirait-on alors à notre « objectivité scientifique » dans ce cas de figure ? Voilà pourquoi je recommande à mon jeune frère et Révérend Père Thomas GETUMBE de se consacrer entièrement à sa formation et à son ministère ecclésial, sans jamais se laisser distraire par l’écoute des chants de ce genre de sirènes qui existent et existeront toujours tant que l’Homme vivra sur la terre. Car un arbre tordu ne change jamais de forme. Sauf si l’on décide de l’abattre…
2. Du Cardinal Laurent MONSENGWO PASINYA
En abordant ce second volet de mon analyse, je précise que je ne parle pas de Laurent MONSENGWO PASINYA comme individu ou citoyen congolais, mais bien du rôle et du pouvoir qu’il assume au sein de l’Église catholique au Congo-Kinshasa, même si les deux aspects restent étroitement liés à l’homme en question. Dans ce cas, permettez-moi de faire un certain « méli-mélo » dans ce sens. Je précise encore que je n’émets aucun avis sur la vérité ou la fausseté de la dernière sortie médiatique du Cardinal sur les élections en RDC puisque je ne détiens actuellement aucun élément probant à ce propos. Je tente de parler uniquement de sa charge apostolique. Soyons donc clairs là-dessus. Je le fais d’ailleurs en peu de mots.
Comme beaucoup des membres de LISAGO, je suis un chrétien pratiquant et un laïc catholique engagé. Je suis actuellement engagé dans divers mouvements catholiques ici à Louvain-la-Neuve, avec mes amis de la communauté congolaise. C’est pareil quand je suis au pays (Diocèse d’Isangi et/ou Archidiocèse de Kisangani). En tant que tel, j’ai toujours appris que l’Église catholique est hiérarchique (mais pas dictatoriale) : le Pape ou Évêque de Rome, les Évêques des autres Églises particulières ou nationales, les Prêtres, les Religieux et Religieuses, suivis de la communauté des fidèles disséminés dans l’univers. Dans cette structure hiérarchique de l’Église, le service reste collégial puisque le Pape est toujours en communion de foi avec tous les autres Évêques du monde. Et, dans chaque pays, tous les Évêques sont en communion entre eux et avec leurs prêtres, etc. C’est si simple à comprendre. C’est pour dire qu’il n’y a pas un « plus Évêque » qu’un autre. Ici tout est clair. Je recommanderais même aux chrétiens catholiques qui auraient des lacunes à ce sujet de parcourir tous les volumes du « Saint Concile de VATICAN II ». Cependant, il y a celui que nous appelons le « Primus Inter Pares », c’est-à-dire le « Premier parmi les égaux ». C’est assurément le Pape ou l’Évêque de Rome qui est assis sur la chaire de Pierre ou des apôtres Pierre et Paul. De lui et de ses divers services émanent les directives de l’Église universelle. Ainsi, une parole ou une décision du Pape a-t-elle force de loi sur l’ensemble de l’Eglise catholique romaine. Ceci n’est pas un dogme mais une vérité établie sur la profession de notre foi catholique, datant de Jésus lui-même et des apôtres, en parfaite harmonie avec la tradition multiséculaire de l’Église.
Dans chaque pays (permettez-moi ce pléonasme), les Évêques sont réunis dans une assemblée de communion fraternelle où l’un deux en est choisi comme Président ou Coordonnateur des activités. C’est un mandat rotatif qui permet à chaque Évêque d’assumer cette charge honorifique. Prenons, à titre exemplatif, le cas de notre pays. Sous la deuxième république, nos Évêques étaient réunis dans la CEZ (Conférence Épiscopale du Zaïre), devenue aujourd’hui CENCO (Conférence Épiscopale Nationale du Congo) suite au changement du nom du pays (Zaïre en République Démocratique du Congo). Dans cette conférence et comme je venais de le dire, le Président n’est pas plus Évêque que les autres. Il a juste une mission de coordination de l’action épiscopale nationale. C’est pourquoi il ne peut se prononcer sans demander l’avis de ses pairs. Ici encore, tout reste clair.
Parmi les organes de la CENCO, citons les deux principaux : l’Assemblée Générale des Évêques (tous les Évêques congolais) et le Comité Permanent qui réunit uniquement le Président et quelques Évêques membres des Commissions spécialisées ou particulières. Dans ses prérogatives, le Comité Permanent détient le droit de se prononcer au nom de tous les Évêques congolais sans passer par l’Assemblée Générale dont les réunions sont périodiques. Est membre de l’Assemblée Générale tout Évêque ou Archevêque congolais. Sont membres du Comité Permanent l’Évêque Président de la CENCO et les autres Évêques qui président les commissions spécialisées.
Dans les pays où l’Église détient un Cardinal, celui-ci est de droit membre du Comité Permanent. C’est le cas de la RDC aujourd’hui. Ainsi, comme Évêque et Archevêque, Laurent MONSENGWO PASINYA est membre de l’Assemblée Générale des Évêques de la CENCO. Et en tant que Cardinal, il est membre de droit de son Comité Permanent. Pourquoi en est-il un membre de droit ? Justement parce qu’il porte la dignité cardinalice que tous les autres Évêques ne détiennent pas. Comme Cardinal, qu’il soit plus jeune ou vieux, il est considéré comme l’aîné des autres Évêques sur qui il possède une préséance canonique et honorifique. A lui seul et dans certains cas, il détient le droit d’engager toute l’Église congolaise sans nécessairement passer par la CENCO. Ce que ne peut faire Monseigneur Nicolas DJOMO, Évêque de TSHUMBE et Président actuel de la CENCO sans l’aval de ses pairs. C’est pour dire que quand le Cardinal se prononce pour la vérité, il engage toute l’Église de son pays. Il est, comme l’on dit, le Prince, le Primat et, en quelque sorte, le Chef de l’Église catholique romaine en RDC. Comme le Pape pour l’Église universelle, un Cardinal reste bel et bien le « Primus Inter Pares » en rapport avec les autres Évêques d’une Église particulière (ses confrères dans l’épiscopat). Ceci est une illustration parfaite de la situation ecclésiale en RDC. Essayons de voir ailleurs : bien que retraités ou démissionnaires aujourd’hui, c’est encore le cas des Cardinaux TUMI au Cameroun et de DANEELS ici en Belgique pour ne citer que ces deux exemples. Pour prendre ce dernier cas, Monseigneur André LÉONARD, l’actuel Archevêque de Bruxelles-Malines, consulte toujours le Cardinal DANEELS pour des questions importantes se rapportant à la marche de l’Église particulière de Belgique. C’est pareil dans le monde entier au sujet de l’Église catholique romaine. Etant humain, je puis aussi me tromper et d’autres frères et sœurs pourraient me compléter. Mais, jusqu’ici en tout cas, c’est cette vérité-là que l’Église m’a toujours enseignée.
Revenons, à propos de nos élections, aux dernières déclarations du Cardinal Laurent MONSENGWO PASINYA que je ne commente nullement car je ne sais pas s’il avait menti ou dit la vérité. Qu’il ait dit le mensonge ou la vérité, sa parole reste la position de tous les autres Évêques congolais qui le considèrent comme leur « aîné pastoral » et qui se reconnaissent en lui par le biais de son ministère cardinalice. Comme lui, tous les autres prélats ont été nommés et ordonnés Évêques. Lui, en plus, a été créé Cardinal. C’est là toute la différence. Pour preuve, depuis ses dernières déclarations (bonnes ou mauvaises), Monseigneur Nicolas DJOMO (Évêque de TSHUMBE et Président de la CENCO) ne l’a jamais désavoué ni contredit jusqu’à ce jour. Pour la gestion du temporel et pour toute chose d’ailleurs, tous les Évêques restent donc solidaires. Qu’on se le dise !
« Alea jacta est »… A mon avis, les déclarations du Cardinal ne changeront pratiquement rien sur les résultats des élections présidentielles en RDC. Mais, comme intellectuels et chrétiens, reconnaissons au moins que c’est cela la position de l’Église catholique congolaise. Comme je l’ai découvert dans certains messages, il est vrai qu’un chrétien laïc peut être élevé à la dignité cardinalice… Mais cela reste terriblement difficile de nos jours. En dehors de certains pays occidentaux (Italie, Espagne, Portugal, Allemagne…) qui détiennent plus d’un cardinal ou beaucoup de cardinaux, je me demande vraiment comme l’Église peut élever un laïc à cette dignité dans un pays où l’on ne compte qu’un Cardinal pour plus de cinquante Évêques (ordinaires, coadjuteurs et auxiliaires). Dans l’intention OUI, mais en réalité nous attendrons encore longtemps. C’est pour dire que c’est tout simplement un bon pieux vœu…
Que dire en guise de conclusion ? En dehors de sa mission prophétique, religieuse, sacerdotale, épiscopale et cardinalice, Monsieur Laurent MONSENGWO PASINYA reste d’abord un homme et un citoyen congolais parmi tant d’autres. En tant que tel, il n’a pas que des admirateurs. Je dirai même que, comme une figure nationale et internationale, ses détracteurs sont légion et/ou beaucoup plus nombreux. Nombre des Orientaux (ex-Haut-Zaïrois) que nous sommes ne lui pardonneront jamais sa gestion soi-disant « chaotique » et « tribaliste » de l’Archidiocèses de Kisangani. Beaucoup d’autres Congolais lui en veulent pour « sa supposée corruptibilité qui aurait entraîné l’échec de la CNS (Conférence Nationale Souveraine) ». Tout cela reste à mettre dans le lot de ceux qui ne l’aiment pas et qui le critiquent aveuglement. C’est vrai que comme humain, l’Archevêque de Kinshasa a ses faiblesses et défauts. Sinon, parmi nous, qui ne les détient pas pour qu’il lui jette la pierre en premier lieu ? N’oublions pas facilement que c’est aussi un savant qui a de nombreuses qualités humaines.
En définitive et pour moi, j’aime le Cardinal comme une personne humaine et comme mon propre Pasteur. Je suis un chrétien catholique et fier de l’être. En tant que tel, je dois beaucoup d’estime et de respect envers le Cardinal, les Évêques congolais, nos prêtres, les religieux et religieuses qui nous indiquent quotidiennement les voies du Seigneur. J’aime aussi tous mes frères et sœurs chrétiens dans la foi. J’éprouve également beaucoup de respect pour les Pasteurs des autres Églises, sauf bien sûr les charlatans, avides d’argent, qui appauvrissent davantage nos populations plus pauvres et vulnérables. Ici à Louvain-la-Neuve par exemple, mes meilleurs amis sont des musulmans. Je l’avais déjà signifié dans une livraison antérieure. Assurément, le cœur de l’homme a ses raisons que la vraie raison ignore… L’on a toujours accusé son chien de rage quand il s’agit de le faire noyer. Vrai ou faux ? A chacun d’entre nous d’y répondre. C’est ici que se pose, avec acuité, la question d’objectivité scientifique et/ou humaine dans tous nos débats souvent partisans. C’est bien moi qui le dis… Comme mot de la fin, je tiens à souligner que je suis moi-même apolitique, un simple et pauvre doctorant qui n’a ni coloration politique ni tendance aucune. Mais, un jour, si je rencontre mes anciens maîtres et professeurs d’université en sociologie, j’aurai certainement quelques questions à les poser. LISAGO étant un forum d’indépendance d’esprit et de pensée, j’ai cru utile de partager avec vous cette modeste analyse. C’est à prendre ou à laisser. Libre cours à chacun…
Louis BASINGA
LLN, Vendredi 16 Décembre 2011 2h06
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