mardi 5 mars 2013
Dans un mémorandum adressé à Joseph Kabila les
évêques catholiques disent apporter leur contribution à l’initiative
noble et louable de ce dernier visant à renforcer la cohésion nationale.
Par ailleurs, sur le plan socioéconomique, les évêques ne sont pas
tendres envers les gouvernants. « La lutte contre la corruption, la
fraude et l’évasion fiscale doit être menée efficacement, impartialement
et sans complaisance. L’exemple doit venir d’en haut », ont-ils martelé
en relevant que « le degré de pauvreté de notre population a atteint
des proportions qui nous inquiètent et nous préoccupent comme pasteurs.
Pendant ce temps, nous continuons d’assister à une économie prédatrice
et extravertie ».
Dans un mémorandum adressé au président de la République sur l’Etat
de la nation et rendu public hier lundi 4 mars, les évêques, réunis au
sein du comité permanent de la Conférence épiscopale nationale du Congo
(CENCO) disent apporter leur contribution à l’initiative noble et
louable de ce dernier visant à renforcer la cohésion nationale.
Il s’agit de la tenue d’un dialogue national qu’ils souhaitent être
en mesure d’affronter avec courage et sincérité les préoccupations
vitales de la Nation. Ils notent que‘’ l’idée d’un dialogue a émergé et
elle est accueillie par d’aucuns comme voie de sortie de la crise qui
secoue notre pays depuis la publication des résultats des élections de
novembre 2011. Cette crise s’est aggravée à travers les violences dans
l’Est de notre pays. Ces violences ont conduit à des situations
tragiques liées à la prise et à l’occupation de la ville de Goma par le
M23’’.
Les évêques souhaitent que ce forum, qui a suscité plusieurs
attentes au sein de toutes les couches de la population congolaise en
général et de la classe politique en particulier, réunisse toutes les
forces vives de la Nation, lesquelles devront s’engager sincèrement et
en priorité dans le respect de la souveraineté nationale, de
l’intégrité territoriale et de l’ordre constitutionnel.
Ont-ils eux aussi entendu parler de la tentative de révision de
l’article 220 de la Constitution préparée dans certaines officines
politiques et qui circule sous le manteau? Très probable. Car dans leur
memo, les évêques rappellent que « le respect de l’ordre
constitutionnel doit être observé par tous ». Raison majeure : il s’agit
là « du gage de la cohésion et de l’unité nationale ».
Voilà pourquoi la CENCO se dit fermement opposée à toute tentative
de modification de l’article 220 de la Constitution qui stipule : « La
forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la
forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats
du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le
pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune
révision constitutionnelle ».
Les prélats de la RDC ne s’arrêtent pas là. Ils annoncent aussi
qu’ils s’engagent à sensibiliser la population congolaise pour qu’elle
comprenne l’importance de cet article pour la stabilité du pays.
Par ailleurs, sur le plan socioéconomique, les évêques ne sont pas
tendres envers les gouvernants. « La lutte contre la corruption, la
fraude et l’évasion fiscale doit être menée efficacement, impartialement
et sans complaisance. L’exemple doit venir d’en haut », ont-ils martelé
en relevant que « le degré de pauvreté de notre population a atteint
des proportions qui nous inquiètent et nous préoccupent comme pasteurs.
Pendant ce temps, nous continuons d’assister à une économie prédatrice
et extravertie ».
Lire le memo de la Cenco en intégralité
Préambule
Excellence Monsieur le Président de la République,
1. Dans votre discours du 15 décembre 2012 sur l’état de la
Nation, vous avez annoncé une initiative noble et louable en vue de
renforcer la cohésion nationale. Nous, Archevêques et Évêques, membres
du Comité permanent de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo
(CENCO), réunis en session ordinaire à Kinshasa du 18 au 22 février
2013, saisissons cette occasion pour joindre notre voix à celle d’autres
Congolais en vue d’apporter la contribution de l’Eglise catholique pour
sa concrétisation.
2. Votre promesse a suscité plusieurs attentes au sein de toutes
les couches de la population congolaise en général et de la classe
politique en particulier. L’idée d’un dialogue a émergé et elle est
accueillie par d’aucuns comme voie de sortie de la crise qui secoue
notre pays depuis la publication des résultats des élections de novembre
2011. Cette crise s’est aggravée à travers les violences dans l’Est de
notre pays. Ces violences ont conduit à des situations tragiques liées à
la prise et à l’occupation de la ville de Goma par le M23.
3. Nous estimons, comme déjà affirmé dans nos précédents messages
et déclarations , que le dialogue est une voie royale et pacifique de
sortie de crise. Il est un élément constitutif de tout système
démocratique. Dans le contexte actuel de crise, il convient de bien
l’appréhender pour qu’il contribue effectivement à la solution des
problèmes qui entravent la bonne marche de notre pays.
4. Les signes de cette crise sont multiples. Nous en épinglons les
plus saillants qui nous préoccupent le plus et aggravent les
frustrations de la population congolaise.
Au plan politique
5. Nous reconnaissons et apprécions à leur juste valeur la volonté
et les efforts déployés par le Gouvernement de la République en vue de
démocratiser le pays. Nous relevons cependant, un malaise lié au manque
de consensus national au lendemain des élections de novembre 2011, dû
aux irrégularités dénoncées, aux contestations des résultats et à la
manière expéditive dont la Justice s’est employée à résoudre les
contentieux électoraux. Jusqu’à ce jour, le processus électoral demeure
inachevé. Les élections locales qui devraient aider à construire la
démocratie à la base et à rapprocher ainsi le peuple de ses gouvernants
sont de nouveau hypothéquées. La responsabilité du pouvoir organisateur
est lourdement engagée. La décentralisation prescrite dans la
Constitution tarde à se concrétiser.
6. De nombreux partis politiques, facilement agréés, évoluent sans
projet de société fiable, car ce qui semble les intéresser, c’est la
conquête du pouvoir pour le pouvoir. Ceci constitue une entrave sérieuse
à notre jeune démocratie.
7. Certaines organisations de la Société civile, au lieu de
remplir leur mission de défendre les intérêts du peuple, se laissent
récupérer par les partis politiques pour des ambitions politiques et des
profits matériels.
Au plan socioéconomique
8. Nous constatons des efforts réels pour la maîtrise de
l’inflation et la stabilisation du cadre macro-économique. Mais, la
création des industries de transformation de nos matières premières fait
défaut et l’investissement dans le domaine agricole n’est pas encore à
la hauteur des besoins du pays. Par conséquent, le degré de pauvreté de
notre population a atteint des proportions qui nous inquiètent et nous
préoccupent comme Pasteurs. Pendant ce temps, nous continuons d’assister
à une économie prédatrice et extravertie.
9. L’élaboration d’une politique nationale de gestion des
ressources naturelles pour le bien-être du peuple congolais et le
développement du pays, ainsi que la connaissance de la valeur précise de
ces ressources, demeurent une préoccupation permanente. Cela donne
l’impression que le pays navigue à vue, sans repères pour une gestion
durable de ses richesses. Ceci l’expose à toute forme de pressions des
multinationales et de certaines puissances avides d’accéder aux
ressources minières, pétrolières ainsi que forestières et de les
contrôler.
10. En même temps, la mise en œuvre du plan de développement des
infrastructures peine à se concrétiser. Des populations ont le sentiment
d’être abandonnées par l’Etat, surtout dans les zones frontalières où
la tentation de céder aux cris des sirènes qui promettent la libération,
est considérable.
11. Les besoins de base, notamment l’alimentation, la santé, le
logement et l’éducation ne sont pas suffisamment pris en compte par le
programme du Gouvernement.
12. La rétrocession et la péréquation qui devraient garantir le
développement des provinces et la solidarité nationale ne sont pas
respectées. Cela ne fait qu’aggraver les frustrations dans les
provinces.
Au plan sécuritaire
13. Il y a plus de dix ans que le Gouvernement travaille à mettre
sur pied une armée républicaine. Des avancées sont perceptibles mais des
efforts doivent être poursuivis pour atteindre les résultats escomptés.
Car, avec une armée forte et dissuasive l’on neutraliserait les groupes
armés qui prolifèrent et sèment la mort et le désarroi, surtout en des
endroits économiquement dotés des richesses naturelles. La présence de
ces groupes armés dans des zones d’exploitation des ressources
naturelles déstabilise et insécurise la population riveraine. Tous les
conflits se déroulent dans les couloirs économiques et autour des puits
miniers.
14. Le souci de moderniser notre Police nationale est réel. Mais
il convient de renforcer sa formation et son équipement pour lui
permettre de lutter plus efficacement contre la violence urbaine.
15. La Justice, l’un des piliers d’un Etat de droit, ne rassure
pas le peuple en RD Congo faute d’indépendance vis-à-vis des autres
pouvoirs. De nombreux observateurs avertis notent que le système
judiciaire congolais est marqué par une corruption éhontée et
l’impunité. Alors que la Constitution prévoit l’éclatement de l’actuelle
Cour Suprême de Justice en trois juridictions (Cour constitutionnelle,
Cour de cassation et Conseil d’Etat), aucune de ces juridictions n’est
encore installée.
Excellence Monsieur le Président de la République,
16. Ces préoccupations majeures sont à la base de la fragilisation
de la cohésion nationale, du retard dans la consolidation de la
démocratie et du développement tant attendus par tous les Congolais.
17. Malgré ces signes de crise, nous restons persuadés qu’un
lendemain meilleur est toujours possible et à la portée de la RD Congo.
Cet espoir ne deviendra réalité que par l’engagement sincère de tous et
de chaque Congolais dans l’édification de notre pays. Toutes les forces
vives de la Nation appelées au dialogue, ont à apporter leur concours
dans la construction d’un Congo réellement démocratique. Mais, elles
doivent s’engager sincèrement, de prime abord, dans le respect de la
souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de l’ordre
constitutionnel.
Dans le domaine politique
18. Le respect de l’ordre constitutionnel doit être observé par
tous. C’est le gage de la cohésion et de l’unité nationale. La CENCO est
fermement opposée à toute tentative de modification de l’article 220,
article verrouillé dans notre Constitution qui stipule : « La forme
républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme
représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du
président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le
pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune
révision constitutionnelle ». A cet effet, nous nous engageons à
sensibiliser la population congolaise pour qu’elle comprenne
l’importance de cet article pour la stabilité du pays.
19. La cohésion nationale doit être fondée sur les valeurs
républicaines, notamment l’amour de la patrie, la justice, la paix et le
travail qui doivent être partagées et défendues par tous les Congolais.
C’est pour cette raison que l’esprit de division et d’ethnicisation des
problèmes sociopolitiques ne rime pas avec ces valeurs.
20. Que le Gouvernement nomme à des responsabilités dans la
gestion de la chose publique des personnes capables et honnêtes. Car il
n’est pas acceptable que ceux qui exercent les pouvoirs publics se
plaignent avec le peuple de ce qui ne va pas dans leur juridiction.
Qu’ils prennent au contraire leurs responsabilités, qu’ils punissent les
coupables et qu’ils récompensent les bons et loyaux citoyens.
21. Il faut également souligner que le renforcement de l’autorité
de l’Etat est encore à promouvoir de manière à rassurer toute la
population congolaise et à la sécuriser. Car, l’Etat n’est pas un
concept creux. Il implique tout un ensemble de droits et d’obligations
vis-à-vis du peuple. De son côté, le peuple, tout en exigeant le respect
de ses droits, est dans l’obligation de reconnaître et de remplir ses
propres devoirs vis-à-vis de l’Etat.
22. Le processus de décentralisation doit se poursuivre.
Cependant, il doit être bien planifié, profondément étudié pour ne pas
servir de prétexte à la balkanisation et à des velléités
sécessionnistes. A cet effet, les textes juridiques prévus par la Loi
fondamentale appellent des précautions nécessaires pour éviter tous ces
pièges et la mise sur pied des structures inefficaces, improductives et
inutilement coûteuses.
23. La loi révisée de la CENI ne donne pas de garanties
suffisantes de son indépendance et de son impartialité. Il renferme des
germes de conflictualité dans le fonctionnement du bureau de la CENI. Il
importe de dépolitiser cette instance pour crédibiliser les futures
élections dans notre pays.
Dans le domaine socioéconomique
24. L’avenir harmonieux de notre pays exige une économie de
développement au grand profit de l’homme congolais. Cela requiert que
l’on investisse dans l’alimentation, la santé, l’habitat et
l’éducation.
25. Un plan d’industrialisation des secteurs minier, forestier et
des hydrocarbures doit être promu. Il permettra la création d’emplois,
le développement des infrastructures et l’augmentation de la richesse.
Et grâce à une bonne gestion, le Gouvernement sera en mesure d’assurer
un salaire juste et digne ainsi qu’une sortie de retraite honorable à
tous ses fonctionnaires notamment, les enseignants, le personnel
médical, les militaires et les policiers.
26. La lutte contre la corruption, la fraude et l’évasion fiscale
doit être menée efficacement, impartialement et sans complaisance.
L’exemple doit venir d’en haut. C’est pourquoi il revient au
Gouvernement et au Parlement de donner en premier l’exemple de respect
du principe de reddition des comptes.
Dans le domaine sécuritaire
27. En vue de la réforme de nos Forces armées, un état des lieux
est tout indiqué comme prioritaire pour lever des orientations
fondamentales à la mise sur pied d’une armée républicaine. Pour
atteindre ce résultat, des primes de guerre ou des privilèges à un
groupe, quel qu’il soit, devraient être évités.
28. L’équipement et la formation de la Police méritent une
attention particulière du Gouvernement en vue d’assurer la sécurité des
populations victimes des violences dans les cités et les villes.
29. Les trois juridictions prévues dans notre Constitution, à
savoir la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation et le Conseil
d’Etat, devraient être instituées.
Excellence Monsieur le Président de la République,
30. La Nation se trouve à un tournant décisif : elle peut réussir
un avenir meilleur si toutes ses forces vives s’engagent à respecter les
règles de la démocratie et à observer scrupuleusement l’ordre
constitutionnel. C’est pourquoi, dans le contexte qui est le nôtre, nous
réaffirmons que notre Constitution, qui a fait l’objet d’un consensus
national par un référendum et qui est le socle de notre démocratie, ne
doit pas être modifiée en son article 220. Nous en appelons vivement à
la sagesse et à la responsabilité de tous les élus.
31. Notre vœu est que le dialogue envisagé affronte avec courage
et sincérité les préoccupations vitales de la Nation. Dans le respect
des opinions des uns et des autres, que l’on promeuve le bien suprême de
la Nation. La refondation morale de notre société doit demeurer au
centre des préoccupations de tous, car sans éthique dans l’agir
politique, il est difficile à la RD Congo de progresser et de se
développer.
32. Avec foi et espérance en Dieu dont l’amour absolu nous est
révélé de manière éminente dans la croix de son Fils Jésus-Christ, nous
lui confions par l’intercession de la Vierge Marie, Notre Dame du Congo,
le peuple congolais et tous ses gouvernants.
33. Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président de la
République, l’expression de notre haute considération et de nos
sentiments dévoués en Notre Seigneur Jésus-Christ.
Fait à Kinshasa, le 22 février 2013
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