dimanche 3 juin 2012
Réflexion de la Fondation PAIX SUR TERRE sur la guerre à l'EST de la RDC
FONDATION PAIX SUR TERRE/REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO
61 bis, avenue Kinshasa, Commune de la Makiso,
Kisangani, Province Orientale, RD CONGO.
Téléphone:
00243 997910360
Editorial du
deuxième trimestre 2012
(En mémoire des victimes des affrontemments
armés entre le Rwanda et l'Ouganda à Kisangani, du 05 au 11 juin 2000)
Paix et
sécurité dans la Sous-Région des Grands Lacs :
Qui entretient
la guerre à l'Est de la République Démocratique du Congo?
La guerre ouverte à l'Est de la
République Démocratique du Congo, un Etat souverain, membre de l'Union
Africaine et de l'Organisation des Nations-Unies, depuis l'agression dite de
l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du CONGO, en sigle AFDL,
en 1997 persiste.
Les troupes régulières des armées
du Rwanda, de l'Ouganda et de Burundi avec l'appui d'autres armées des Etats de
la Sous-Région, tels l'Angola et la Tanzanie avaient alors envahi la République
Démocratique du Congo, sous la couverture d'une insurrection dont Laurent
Désiré Kabila fut désigné Porte-parole.
L'Alliance rompue entre les
anciens partenaires après l'accession de Laurent Désiré Kabila à la Présidence en
RDC, accusé par Paul Kagame d'avoir usurpé le pouvoir de l'AFDL du fait de la
volonté politique de ce dernier de s'affranchir des dicta de ses maîtres le Rwanda,
l'Ouganda et le Burundi, ces derniers ouvrent un nouveau front militaire en
aout 2008 avec notamment l'opération aéroportée de Kitona, en vue de chasser
Laurent Désiré Kabila du pouvoir.
Confronté à la résistance des
alliances du régime de Laurent Désiré Kabila et le Zimbambwe, l'Angola et la
Namibie principalement et au regain du patriotisme des Congolais, ce coup de
force organisé par le Rwanda connut un échec.
Depuis, le Rwanda et l'Ouganda mènent
sur le territoire de la RD CONGO une guerre d'usure aux conséquences
dramatiques à tous égards : plus de six millions de morts, plusieurs centaines
des milliards des dollars américains pillés, viols méthodiques et
systématiques, déplacements des populations, insécurité endémique, enrôlement
forcé des enfants dans les armées...
Le premier mécanisme utilisé
après l'échec de la prise de Kinshasa en septembre 1998 fut d'abord la création
d'un mouvement rebelle dénommé Rassemblement
Congolais pour la Démocratie, en sigle RCD. Sa politique et sa stratégie
sont dictées par l'Ouganda et le Rwanda qui lui fournissent toute la logistique
nécessaire et des troupes combattantes.
Les chefs d'Etat de ces deux pays
fournissent en effet au RCD, troupes, armes et munitions, logistiques,
commandement militaire et soutien diplomatique.
Au grand jour, des officiers
rwandais et ougandais, des hommes des troupes et des unités entières des armées
régulières de ces deux Etats opèrent sur le territoire de la République
Démocratique du Congo qu'ils occupent et colonisent.
Puis, des disputes de leadership
naissent entre les deux puissances d'occupation pourtant alliées. La ville de KISANGANI
sera le théâtre d'affrontements entre les troupes armées du Rwanda soutenant
une branche de la rébellion dite du RCD, l'Ouganda appuyant une autre aile du même
monstre désormais à plusieurs têtes.
En effet, ce mouvement armé avait
fini par connaître en même temps que les querelles de ses parrains des divisions
profondes en son sein et l'éclatement en plusieurs groupes plus ou moins
antagonistes.
Toutes les règles du Droit International
Humanitaire furent violées : attaques délibérées contre les civils,
bombardements des édifices protégés et usage d'armement interdit en agglomération
habitée.
Le bilan de ces crimes de geurre
est de plus de 2.000 civils tués en 5 jours des combats sauvages, plus de 5.000
ménages sans logis, plus de 10.000 blessés avec des séquelles des personnes
vivant désormais avec handicap, plus d'une dizaine de bâtiments spécialement
protégés par les Conventions de Genève, c'est-à-dire, écoles, lieux de culte et
hôpitaux détruits, plus de 30.000 personnes déplacées ...
Ces crimes de guerre sont demeurés
12 ans après leur commission impunis.
L'application partielle de
l'Accord dit de Lusaka et la tenue du Dialogue Inter congolais permirent de
restaurer l'unité physique du pays et de recréer un climat superficiel de
cessation des hostilités.
Les poulains rwandais du Rassemblement
Congolais pour la Démocratie n'eurent
pas les ressources idéologiques et sociologiques suffisantes pour réussir la
lutte de conquête et de conservation du pouvoir par des moyens démocratiques.
Les élections organisées en 2006 qui sanctionnent la fin de la transition
politique qui connut la formule dite de 1+4, à savoir 1 Président et 4 Vice-Présidents
signent la disparition politique de ce bras armé du Rwanda.
Or, les véritables raisons de la
guerre menée par les puissances d'agression en RDC demeurent sinon s'accentuent
: les appétits des opérateurs de la mort à l'Est du Congo en ressources
naturelles se font de plus en plus gloutons ; les affaires sont de plus en plus
juteuses avec la découverte d'innombrables nouvelles ressources notamment le
gaz méthane, d'importants gisements d'or et de pétrole et surtout de niobium ; le Rwanda et l'Ouganda, fiers des rapports de
forces en leur faveur dans la Sous-Région face à un Etat Congolais faible,
renforcent leurs visées hégémoniques.
Il fallait inventer un nouvel
outil au service des intérêts des puissances d'occupation. Le Congrès National
pour la Defense du Peuple, CNDP en sigle, vit le jour. La mission de ce
mouvement militaire se confond quasiment à celle de la première guerre
d'agression, à savoir la protection des droits de la "minorité tutsi"
pour le CNDP de l’aveu même de ses leaders et la réclamation de la nationalité
congolaise collective des "banyamulenge" pour les débuts de l'AFDL.
Aujourd'hui, après l'adhésion du
CNDP à la Majorité Présidentielle, il est devenu inconfortable que les mêmes
acteurs politiquement blanchis par une amnistie taillée à leur mesure
continuent les hostilités et les tueries. Il faut un autre bras armé dans
l'héritage et la succession directs de l'AFDL, du RCD et du CNDP. Il s'agit du
M23!
La conquête des terres à
l'intérieur de la RD Congo, le dépeuplement par les massacres des populations
autochtones et leurs déplacements forcés constituent la tactique retenue pour s'ouvrir
la voie au pillage des ressources. Le prétexte sécuritaire de Paul Kagame et
dans une certaine mesure de l'Ouganda est un chantage plutôt subtil : le droit
de poursuite des présumés génocidaires de 1994 au Rwanda.
Pourtant, l'accès aux ressources
naturelles de la RD Congo est sans nul doute la cause principale de la guerre
permanente dans l'Est du pays.
Aujourd'hui, cette guerre ne pose
plus simplement pour le peuple Congolais un problème de protection des droits
humains. Il s'agit désormais de la sauvegarde des droits de tout un peuple
menacé. Le peuple Congolais est en péril.
Le véritable dessous des cartes
de la guerre à l'Est du Congo ainsi que ses différents agenda cachés et les
principaux responsables demeurent les mêmes depuis 1996.
Cette guerre est délibérément
entretenue:
1. Les Etats de la Sous-Région
Des nombreux rapports fiables
établis à la suite d'enquêtes minutieuses sur terrain et alimentés par des
informations vérifiables et vérifiées obtenues des sources dignes de foi, confirment
la participation criminelle des Présidents Paul Kagamé du Rwanda et Yoweri
Museveni de l'Ouganda dans les conflits armés à l'Est du Congo.
Il est irréfutable que ces Chefs
d'Etat arment les mouvements armés. Ils forment les combattants de ces mouvements
et leur donnent en soutien des unités, hommes des troupes et officiers de leurs
propres armées régulières.
En effet, il se compte
encore aujourd'hui dans les rangs du
M23, des militaires rwandais. Il a été compté en 1997 des régiments entiers des
armées rwandaises, ougandaises, angolaises et burundaises dans les rangs de
l'AFDL.
La topologie de l'armée du RCD et
de celle du MLC n'a pas échappé à leur époque à cette même constante.Des
militaires étrangers rwandais pour le premier et ougandais pour le second y ont
joué le rôle de tout premier plan. Et l'Armée Congolaise de nos jours compte encore
en son sein des nombreux éléments de ce type.
Dans ce même registre, les
milices qui ont commis des nombreux crimes de guerre en Ituri dans la Province
Orientale ont toutes été armées et entretenues par l'Ouganda et le Rwanda.
Ainsi, quelque soit le scénario
sous lequel se déroule un épisode du phénomène de la guerre à l'Est de la RDC,
le Rwanda et l'Ouganda sont les Etats les plus actifs dans l'entretien de l'insécurité
en RDC.
2. Les groupes armés étrangers et les milices nationales
Le territoire de la RDC sert du
théâtre des opérations militaires à plusieurs groupes armés. A l'Ouest, la guérilla
du Flec active contre l'Angola est présente dans la Province du Bas-Congo. Au
Nord, la rébellion de l'Armée de Résistance du Seigneur qui combat le régime de
Kampala est active dans la Province Orientale. Les Mbororo constituent mutatis
mutandis une menace à la paix des populations dans cette même Province. Aux
Nord et au Sud Kivu, les Mai-Mai déjà présents dans la Province Orientale, figurent
parmi les milices les plus opérationnelles.
Au nombre des groupes armés
étrangers, les activités belliqueuses des troupes du Front Démocratique de
Libération du Rwanda sont à mentionner comme un des facteurs prépondérants de
la menace à la paix et à la sécurité durables dans la région.
Il existe des alliances de toute
nature aussi bien des différentes milices et des divers groupes armés entre eux
ou entre ces derniers et les gouvernements de la Sous-Région. Ces derniers
favorisent directement ou indirectement, à travers leur soutien sous diverses
formes, la continuation de l'état de guerre et la pérennisation de l'insécurité.
Il ne serait pas faux d'affirmer
que ces Gouvernements jouent en faveur des groupes armés opérant en RDC depuis
1998 le même rôle que le motif de la condamnation de l'ancien président
libérien Charles Taylor à 50 ans d'emprisonement pour crime de guerre du fait
de son soutien à la rébellion du RUF en Sierra Léone.
3. Les réseaux financiers multinationaux
Les ressources naturelles du
Congo aiguisent tous les appétits des milieux financiers internationaux.
L'impact du coltan, du diamant et de l'or congolais dans l'approvisionnement du
marché mondial est trop important pour laisser les opérateurs véreux du secteur
indifférents.
Ces réseaux ont préféré, eu égard
à l'état de non Etat qui prévaut au Congo/Kinshasa qu'ils ont évidemment
contribué à créer, l'exploitation illicite des ressources et leur commerce de
guerre.
Ce procédé leur permet de transgresser toute
la réglementation et de gagner le plus de bénéfice possible, sans avoir à
rendre compte ni sur le plan fiscal, ni sur le plan environnemental, ni sur tous
autres plans.
Des listes des multinationales
qui exploitent les ressources naturelles en RDC sont disponibles. Ces firmes et
leurs activités illicites sont connues. Elles oeuvrent en dehors de toute transparence.
Elles sont soutenues dans la plupart par les Gouvernements de Kinshasa, de Kigali
et de Kampala dans leur entreprise.
Certaines firmes bénéficient,
elles-aussi, de la protection des groupes armés.
Les firmes internationales réduisent
les populations congolaises en état d'esclavage par le travail forcé des
enfants et des adultes aux conditions déplorables. Elles agissent en
connaissance de cause, car leurs profits s'appuient sur des minerais de sang.
4. Le Gouvernement
Congolais
Le Gouvernement Congolais avait
certes pris une décision judicieuse, en signant l'Accord de Lusaka puis en
exécutant les résolutions du Dialogue Intercongolais. Seulement, le Gouvernement
Congolais avait mal négocié la question de la défense et de la sécurité
nationales.
En effet, le scénario de la
formation de la nouvelle Armée auquel avait adhéré le Gouvernement Congolais comportait
en lui-même les prémisses visibles d'une insécurité chronique et des guerres
persistantes prévisibles.
La guerre à l'Est du Congo est
favorisée par l'absence d'une Armée républicaine et citoyenne. La formule de la
simple juxtaposition des combattants des différentes composantes belligérantes
ayant participé aux négociations politiques a privé l'Etat du pouvoir d'un
recrutement utile des militaires et de l'opportunité d'un processus de
démobilisation ordonnée et encadrée, permettant le ramassage des armes et
l'accompagnement civique des ex-combattants ainsi démobilisés.
Les Forces Armées de la RDC
souffrent en plus d'un manque de formation et d'une déficience de logistique.
Par ailleurs, la densité des
troupes armées régulières au kilomètre carré est trop faible, faisant de la RDC
un des Etats les moins capables d'assurer la défense militaire de son
territoire de manière sérieuse et efficace.
En sus de ces facteurs, il se
remarque aisément que la politique étrangère du Gouvernement Congolais vis-à-vis
du Rwanda, principal Etat soutenant des groupes armés qui ont choisi la guerre
comme principal moyen d'expression, n'est ni ferme ni responsable.
Aussi, la corruption, la luxure
et le déficit de civisme des nombreux officiers des FARDC qui sont partie
prenante du commerce de guerre et de l'exploitation illicite des ressources
naturelles est un sérieux handicap pour la RD CONGO.
Le Gouvernement Congolais ne
montre pas des signes clairs d'une réelle volonté politique de former une armée
républicaine capable d'assurer la paix et la sécurité durables des personnes,
des biens et des investissements à l'intérieur des frontières nationales et de
contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales dans la
Sous-Région.
Le régime de l'AFDL au pouvoir à
Kinshasa est la création du Rwanda et de l'Ouganda, principaux acteurs
entretenant la guerre à l'Est depuis 1996. Cette réalité place le Peuple
Congolais dans une position inconfortable.
5. La Communauté Internationale
Le mandat de la Mission des
Nations-Unies en RDC permet aux casques bleus de protéger la population civile et
partant de contribuer efficacement à la restauration d'une paix juste et
durable. Sous les termes de ce mandat, les Nations-Unies peuvent, si elles le
veulent sérieusement, mettre hors d'état de nuire tous les acteurs qui
entretiennent la guerre à l'Est de la RDC.
Au cas où le présent mandat de la
Mission des Nations-Unies était trop étroit, la décision d'un mandat aux
pouvoirs plus élargis aux fins de rétablir la paix durable en République
Démocratique du Congo n'est pas compliquée.
Dans sa pratique de l'année
dernière, la communauté internationale a démontré que même avec un mandat
limité de l'ONU ou même sans mandat précis, elle pouvait obtenir une
transformation de situation lorsqu'elle est effectivement déterminée.
Les cas de la Libye avec Kadhafi
et de la Côte-d'Ivoire avec Laurent Gbagbo en sont l'illustration.
De plus, une panoplie des mesures
juridiques, politiques, judiciaires et diplomatiques sont largement à la
disposition de la communauté internationale pour rétablir la paix durable à
l'Est du Congo.
A titre indicatif, le Droit
d'ingérence humanitaire seul suffirait à la communauté internationale pour
mettre fin au théâtre dramatique à l'Est qui perdure depuis 15 ans.
Puisqu'elle peut mais elle n'empêche,
la Communauté Internationale n'entretiendrait-elle pas, elle-aussi, le calvaire
du Peuple Congolais et l'exploitation à outrance de ses ressources naturelles ?
Car en fait qui peut et
n'empêche, pèche !
Avec notre devoir de mémoire pour
toutes les victimes de guerre en RDC et notre intention particulière pour
Floribert CHEBEYA.
Fait à Kisangani, le 1er
juin 2012.
Gilbert YANGAMBI
Administrateur
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