Bien chers soeurs et frères,
En cette année jubilaire, plusieurs initiatives ont été prises et nous ont aidés encore d’avantage à réfléchir sur la situation de notre pays. Des bilans ont été établis et malheureusement se soldant tous sur un constat très négatif et même déplorable sinon chaotique. St Paul disait, « En toute circonstance rendez grâce à Dieu ». Dans la joie comme dans la souffrance, il nous incombe en tant que Chrétien d’élever notre voix vers le ciel pour dire merci au Seigneur. Oui merci à Lui de nous avoir donné un si grand, beau et riche pays. Que son Nom soit béni ! Nous ne pouvons donc pas éteindre la flamme de l’espérance qui doit animer tout croyant quant il est dans les épreuves. Car le même St Paul nous dit encore :
Tout concourt au bien de qui aime Dieu » Rm 8, 28 Oui, Dieu fait tout concourir à notre bien si nous y croyons vraiment et si nous apportons notre collaboration à la réalisation de son œuvre.
Mes bien-aimés, bénir Dieu aujourd’hui ne signifie nullement pour nous une manière de nous réfugier dans une contemplation béate qui calmerait nos consciences, assouvirait nos attentes ou nous détournerait de nos obligations et responsabilités en face de la situation dramatique que vit notre cher pays. Louer Dieu, c’est aussi nous poser la question fondamentale sur le sens de l’être chrétien dans le monde. Radicalement, il est question de nous demander collectivement et individuellement : qu’avons-nous fait ou n’avons-nous pas fait pour que ce pays, don béni de Dieu comme nous le confessons et le chatons dans notre hymne national, soit là où il est aujourd’hui. Que devons nous faire pour réellement collaborer à l’œuvre créatrice de Dieu en sortant ce Congo du marasme dans lequel nous l’avons plongé ? Telle doit être notre préoccupation et détermination.
Avant d’en arriver là, permettez que nous puissions rendre Hommage à tous ces fils et filles du Congo qui ont donné de leurs courage, force, intelligence et même de leur vie pour arracher cette indépendance des mains des colonisateurs et dont nous célébrons le cinquantenaire aujourd’hui. On pourra tout dire: c’était précipité, ils n’étaient pas préparés, ils n’avaient pas des grands diplômes d’université, etc. Sans contredire la vérité, une chose est certaine: l’indépendance a été acquise. Elle l’a été sur fond des aspirations humaines nobles ; sur fond des aspirations d’une société heureuse et juste ; d’une économie forte pour tous. Des expériences malheureuses, humiliantes, indignes qu’ils ont connues, ils ont lutté au prix « de larmes, de feu et de sang (Lumumba)» pour en mettre fin. Ainsi dira Lumumba : « Mais tout cela aussi, nous que la vote de vos représentants élus agrée pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur de l’oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut, tout cela est désormais fini. La Rép. Du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants ». Puissions-nous par ovation rendre hommage à ces vaillants dignes fils du pays.
Bien chers frères et sœurs, nul n’est besoin de dire qu’ils rêvaient la construction d’un Etat grand, prospère où chaque congolais aurait sa place. Voila pourquoi, toutes ses aspirations étaient consignées dans un pacte irrévocable dans un texte programme que nous appelons « le Débout congolais ». Ce pacte n’est pas contraire au plan de Dieu pour ses enfants. Il s’enracine justement dans ce que nous pouvons appeler les valeurs évangéliques par lesquelles l’homme contribue à la réalisation de l’œuvre de Dieu pour bâtir une communauté de vie selon son cœur.
Mes Bien aimés, « la Rép. Du Congo est maintenant entre les mains de ses propres enfants… » Oui, mais il ne suffisait pas que les congolais prennent leur Terre, il fallait encore en donner un cachet « sphragis », en devenir les « maîtres ». Eux, savaient que pour devenir maître de ce Congo il fallait se mettre débout. Ainsi ont-ils invité les congolais avant toute chose à se mettre débout. Se mettre débout, c’est prendre conscience de sa dignité d’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est prendre conscience que qu’on est co-créateur et c’est par le travail assidu (la sueur de ses fronts) que l’homme arrive à maîtriser son environnement, à améliorer ses conditions de vie. C’est dépasser les complexes d’infériorité ou de supériorité afin de vivre sa liberté d’homme comme St Paul vient de le dire dans la première lecture. Une liberté qui est un don de Dieu mais qui nous invite au respect des autres parce qu’ils sont aussi des hommes libres. De même qu’ils ont refusé d’être considérés de sous-hommes, de même ils ont voulu de tout leur cœur, de fonder ce nouvel Etat par le respect de la dignité de l’homme engagé au travail pour le bien de toute la nation.
Ils ont perçu que cette liberté, cette dignité, et ce travail ne seraient rien si on ne se mettait pas ensemble. Ainsi, ont-ils vu la nécessité d’être uni. St Paul ne nous dit-il pas que : « votre liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme.. ;Si vous vous mordez et vous dévorer les uns les autres, prenez garde : vous allez vous vous détruire les uns les autres ».. Malgré nos multiples tribus, nos différentes ethnies et langues, c’est le sort de l’histoire qui a voulu que nous puissions être héritiers de ce territoire érigé en Etat. IL nous révèle la grande richesse de Dieu et sa volonté de ramener en Un ce qui est multiple, nous faire prendre conscience que nous sommes tous ses enfants et entre nous il n’y a pas de différence. Et surtout, comprendre que construire l’Etat n’est pas l’affaire d’un individu quel qu’il soit, mais l’effort de tous et la contribution de tous. L’indépendance ne pouvait donc pas être comprise comme un acte d’un jour, mais une dynamique qui s’inscrit dans le temps conjugué avec de l’effort.
Cette tâche n’était pas au dessus du peuple congolais mais à sa porté. C’est un peuple ardent qui a montré ses preuves dans son histoire glorieuse. Le prendre en compte, l’orienter avec une vision claire de société, il est capable de beaucoup. D’où l’invitation incessante au travail qui revalorise l’homme. Pourquoi tout cela ? Oui pourquoi sinon pour réaliser un bien être socio-économique, aspiration fondamentale de tout-être humain qu’ils expriment par le désir de construire un pays beau plus qu’avant, dans la paix. Faire en sorte que de toutes ses richesses (humaines, culturelles, minières et agricoles), le Congo soit le lieu de joie, de bonheur, d’épanouissement et d’accomplissement de tous ses enfants. C’est à ce prix, et à ce prix seulement que nous aurons la fierté d’appartenir à ce pays, c’est à ce prix que ceux qui nous verrons à l’oeuvre reconnaîtront notre grandeur. Car c’est à nous, et à nous d’abord de donner cette grandeur à ce pays dans le concert des nations. Voila pourquoi, il faut, oui il faut AIMER, oui, AIMER ce pays et tous ses habitants. St Paul nous l’a dit, « toute la loi atteint sa perfection dans un seul commandement, et le voici : tu aimeras ton prochain comme toi- même ». Aimer le Congo nous épargne de l’esprit de division, de balkanisation, de l’esprit d’attachement à sa tribu, à son ethnie. Ils l’avaient perçu et bien perçu. Cette attitude nous dispose à tout subordonner au bien commun, au bien de la nation.
Dans cet élan, célébrer le 30 juin devrai être le moment sacré du souvenir, mais et surtout du rappel de notre devoir envers la patrie ; célébrer le trente juin serait pour nous l’occasion de nous laisser interpeller par ce que nous avons déjà accompli par rapport à cet engagement indéfectible en faveur de la Nation congolaise et de ses fils et filles ; nous interroger sur l’héritage à transmettre à toutes les générations futures et cela de génération en générations.
A présent, mes bien aimés, posons nous la question en ce cinquantenaire de l’indépendance : qu’avons-nous fait de ce Congo ? Comment avons-nous réalisé ce pacte qui nous lie à notre chère patrie ? Nous l’avons déjà dit plus haut parlant du bilan. La nation a été tout simplement trahie par ses propres fils et filles. Toutes les valeurs qui devaient être le ciment de son édification ont été reléguées en arrière et continuent encore à l’être. Ce dont on a accusé les colonisateurs, qui faisait notre honte et notre indignation, les propres fils du pays s’en sont servis pour exploiter, brimer, dominer, appauvrir, violenter et même assassiner leurs frères et sœurs.
A la place de promouvoir la dignité, le respect et la liberté afin de mettre le peuple débout les dirigeants congolais ont instauré un Etat policier cadenassant les droit et libertés fondamentaux gage du développement. Combien des nos frères et sœurs ont perdu leur vie pendant ces cinquante ans tout simplement parce qu’ils ont parlé en bien pour le Congo et contre les anti-valeurs. C’est ici l’occasion de leur rendre hommage, et surtout de rendre hommage à Floribert Chebaya, le tout dernier qui par souci de son pays, de ses frères et sœurs congolais à qui on ne reconnaît pas le droit à la liberté, à la vie décente, n’a pas ménagé ses efforts, son courage et énergie jusqu’à payer de sa vie par assassinat ignoble, pour les défendre. Il faudra rappeler que les pays où les droits et libertés ne sont pas respectés ne font qu’entretenir des bombes sociales à retardement. Ce n’est pas en tuant qu’on résout les problèmes. Le peuple congolais n’attend qu’une chose : l’amélioration de ses conditions de vie. Tant que cela ne lui sera pas accordé, il continuera à revendiquer ses droits. Allez-vous les exterminer tous ? Il incombe à la classe dirigeante congolaise de changer sa vision du pouvoir. En effet, comme nous le dit l’Evangile : « Au contraire le plus grand d’entre vous doit prendre la place du plus jeune, et celui qui commande, la place de celui qui sert ». Nous avons à redécouvrir le sens du pouvoir comme service et cela à tous les niveaux. Le détenteur du pouvoir (politique, culturelle ou spirituelle) n’est pas un dieu, à tel point qu’on ne peut pas le contredire et ses actes sont présentés comme des dons faits à la Nation ou à la communauté. Ce sont des services liés à la fonction qu’il exerce et nullement es cadeaux. On ne doit en aucun cas en faire une raison d’un culte à rendre à la personne, une raison d’entretenir le clientélisme ou de soumettre tout un peuple au bon vouloir d’une seule personne. C’est là la négation de la dignité, du respect et de la liberté qui nous empêche à nous mettre débout.
Au lieu de travailler à la promotion de l’unité, on instrumentalise sa base tribale, ethnique ou régionaliste au profit de ses intérêts politiciens égoïstes. Ce qui engendre les conflits, les luttes, la guerre entre les communautés. On fait fit à la compétence, à la rigueur, au sens de l’Etat, à l’éthique pour se positionner sur base d’appartenance tribale ou cotérique. La fierté et la grandeur du pays à asseoir par une économie forte, sont sacrifiées au profit d’enrichissement personnel et rapide, sacrifiées par le bradage de ses richesses lesquelles sont aussi livrées au pillage par des groupes mafieux de tout bord, ce qui accuse l’absence de l’autorité de l’Etat capable d’assurer leur protection. Etc.
Mes bien-aimés, En face de cette situation sombre, il y a des petites flammes à travers des choses qui se font et qui nous donnent droit de continuer à espérer. Il y a des hommes et des femmes qui croient au Congo, qui réalisent des choses, résistent aux manipulations et dénoncent les abus. Il y a ce peuple malgré la paupérisation lui imposée, continue à vivre, à faire étudier ses enfants, à se prendre en charge dans les divers problèmes fondamentaux de la vie et surtout à réussi à faire échouer jusque là le projet de balkanisation de notre chère patrie.
Tout ceci doit impérativement nous inviter à croire à la possibilité de faire du Congo de demain autre chose que celui qu’il est aujourd’hui. Voila pourquoi, nous devons revisiter à tout moment la charte qui nous lie à la patrie. L’indépendance n’est pas un tout en soit, mais elle est un processus à réaliser. Il faut nous rendre compte que l’avenir du Congo est à construire par les Congolais d’abord. Nous sommes les premiers responsables de notre propre devenir. Dieu nous a dotés des vertus morales : Intelligence, courage, force, persévérance etc. Mettons-les en pratique. Aucune nation au monde ne s’est libéré ou ne s’est développé sans l’apport crucial de ses propres citoyens. Dieu qui nous a créés sans nous, ne nous sauvera pas sans nous !
Aujourd’hui, nous célébrons ce cinquantenaire ici à Bruxelles, et puis après ??? Quel projet mettons-nous sur pied pour demain ? Il y a des élections à l’horizon, la lutte contre les anti-valeurs et pour des droits et libertés qu’il faut promouvoir. Comment nous nous impliquons dans cet effort ?? ONG, Communautés religieuses, Partis politiques acquis au changement, toi citoyen congolais, qu’apportons nous de neuf pour mettre le congolais débout ? Pour promouvoir l’unité et l’excellence ? Voila des questions et surtout des réponses qu’il faut proposer pour que notre célébration soit réellement une action pour l’avenir du Congo. Cette tâche nous incombe tous.
Que Dieu bénisse le Congo, et qu’il vous bénisse.
Abbé Faustin Kwakwa
Aucun commentaire:
La publication de nouveaux commentaires n'est pas autorisée.