lundi 3 septembre 2018
DE L'IRRECEVABILITE DE LA CANDIDATURE DE J.P. BEMBA PAR LA CENI
Analyse de Me Bernard,
Nous estimons que la CENI vient de commettre un
faux pas de plus qui la décrédibilise aux yeux des Congolais. Nous supposons
qu’elle a un service ou une direction juridique qui veille non seulement à
l’application des textes légaux la visant, mais aussi, à l’interconnection de
ceux-ci avec les autres textes légaux. Si c’est le cas, son Service a failli.
La confusion des textes légaux relatifs à la
subornation des témoins et la Corruption est flagrante, bien que
tous les deux soient des infractions intentionnelles instantanées
prévues par le Code Pénal congolais, il y a lieu de retenir ils sont
distincts en définition et en conséquences :
Selon le dictionnaire, La
subornation de témoins est le fait de faire pression sur un
témoin par le biais de dons, de promesses ou en exerçant des menaces à son
encontre afin qu'il modifie sa version des faits dans le cadre d'un procès.
C’est une sorte de complicité à l’infraction de faux témoignage.
Dans le Code Pénal congolais, la
subornation des témoins est localisée dans le Livre II, Section V, intitulé
« Du faux témoignage et du faux Serment », aux articles
128 et 129 qui prévoient :
« 128. Le faux
témoignage devant les tribunaux est puni de servitude pénale.. La peine peut
s'élever à cinq ans.
Si l'accusé a été condamné soit à la
servitude pénale à perpétuité, soit à la peine de
mort, le faux témoin qui a déposé
contre lui peut être condamné à la peine de servitude pénale à perpétuité.
129 : Le coupable de subornation de
témoin est passible de la même peine que le faux témoin, selon la distinction
de l'article précédent. »
L’objet de cette dernière infraction
est l’incitation au mensonge ou à son abstention. Le but est d’égarer la
justice et enfin, la conséquence est qu’une fois la démarche du
suborneur posée, qu’il y ait effet ou pas effet, il doit être poursuivi.
La Corruption,
elle peut être active ou passive, publique ou privée, est un
comportement pénalement répréhensible par lequel une personne (le corrompu)
sollicite, agrée ou accepte un don, une offre ou une promesse, des présents ou
des avantages quelconques en vue d’accomplir, de retarder ou d’omettre
d’accomplir un acte entrant d’une façon directe ou indirecte dans le cadre de
ses fonctions.
La corruption procure un
enrichissement personnel du corrompu, en espèce, en nature, ou en tout autre
avantage.
Le Code Pénal congolais réprime cette
infraction. Nous la retrouvons dans le Livre II, Section VII « De la
Corruption, des rémunérations illicites, du trafic d’influences et des
abstentions coupables des fonctionnaires », article 147, auquel renvoie
l’article 10 de la Loi électorale qui prévoit en substance les conditions
d’inéligibilité dont :
« 1. Les personnes privées de
leurs droits civils et politiques par décision judiciaire irrévocable.
2. Les personnes condamnées par une
décision judiciaire irrévocable pour crimes de guerre, crime de génocide et
crimes contre l’humanité ;
3. Les personnes condamnées par un
jugement irrévocable du chef de viol, d’exploitation illégale des ressources
naturelles, de corruption, de détournement des deniers publics, d’assassinat,
des tortures, de banqueroutes et de faillite ;
4. Les personnes frappées d’une
incapacité mentale médicalement prouvée au cours des cinq dernières années
précédant les élections ;
5. Les fonctionnaires et agents de
l’administration publique ne justifiant pas, à la date limite du dépôt des
candidatures, du dépôt de leur demande de mise en disponibilité ;
6. Les mandataires actifs dans les
établissements publics ou sociétés du portefeuille ne justifiant pas, à la date
limite du dépôt des candidatures, du dépôt de leur lettre de démission ;»
7. Les magistrats qui
n’auront pas donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, du
dépôt de leur lettre de mise en disponibilité ;
8. Les membres des forces armées et
de la Police nationale congolaise qui n’auront pas donné la preuve, à la date
limite du dépôt des candidatures, de leur démission acceptée ou de leur mise à
la retraite ;
9. Les membres du Conseil économique
et social, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, de la
Commission nationale des droits de l’Homme, du Conseil National de Suivi de
l’Accord et du processus électoral, de la Cour des comptes qui n’auront pas
donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, de leur démission
ou de leur mise à la retraite ;
10. Les membres de la Commission
électorale nationale indépendante à tous les niveaux, y compris le personnel.
Il importe de rappeler que les conditions
d’éligibilité à la fonction du chef de l’Etat sont clairement prévues par la
constitution, du 18 février 2006, en son article 72 qui prévoit :
« Nul ne peut être candidat à l’élection du
Président de la République s’il ne remplit les conditions ci-après :
1. posséder
la nationalité congolaise d’origine;
2. être
âgé de 30 ans au moins ;
3. jouir
de la plénitude de ses droits civils et politiques;
4. ne
pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale.
A notre humble avis, tant le Code
Pénal congolais qui distingue clairement les deux infractions
(Subornation des témoins et corruption) que la Loi électorale, du
24 décembre 2017 ; voire même le socle de la matière électorale dans la
Loi fondamentale, ces textes sont clairs et ne suscitent pas d’interprétation.
Sur ce point, les textes légaux ne
peuvent faire l’objet d’interprétation que lorsqu’ils ont des sources obscures,
c.à.d. il y a un doute sur leurs sens, le législateur n’a pas voulu dire ce
qu’il a dit dans le texte. En ce cas, ce même législateur
ou le pouvoir exécutif ou le Juge, chacun en ce qui le
concerne va chercher, selon DELPEREE, une interprétation souple mais
fidèle, intelligente mais prudente, imaginable, mais objective, soit
l’intention réelle du législateur. Par l’interprétation souple, on
entend, celle qui est favorable à la personne qui fait l’objet de la
poursuite ou de la condamnation.
Si la CNI n’a pas trouve les trois
textes légaux auxquels elle est renvoyée, cohérentes, elle devrait simplement
soumettre le cas de BEMBA, au Juge constitutionnel qui est sensé
maîtriser les textes légaux avec la particularité du droit pénal qui
est d’interprétation stricte, toute interprétation par analogie étant en
principe prohibée.
Si la Subornation des témoins était
équivalente à la Corruption (qui rend le candidat inéligible), le législateur
congolais n’allait pas les prévoir dans deux sections distinctes du
Code pénal et allait préciser clairement cette condition dans l’article 10 de
la loi électorale.
Pour le surplus, la décision de la
juridiction internationale portant sur la subornation des témoins n’interdit
pas à JP BEMBA, l’exercice de ses droits civils et politiques.
La rigueur de la loi,
nous oblige à se soumettre à l’application d’une loi claire, exempte
d’imprécisions car ce qui est claire ne souffre pas d’interprétation. Les
textes légaux sont clairs, la candidature de J.P. BEMBA ne doit pas
être écartée pour un motif fallacieux légalement.
Il appartient aux avocats du MLC de
s’activer pour introduire un recours à la Cour Constitutionnelle et voire même,
un recours en extrême urgence, au Conseil d’Etat, pour entendre
annuler l’acte administratif de la CENI.
Pour répondre à notre vieux LEON
KENGO, un ancien de l’ULB, qui évoque que l’acquittement de JPB de l’infraction
principale disqualifie l’infraction de subornation des témoins, une telle
argumentation ne reflète pas la réalité juridique pénale car le
législateur en général a érigé, la subornation des témoins, en délit
principal et autonome, permettant ainsi la répression du suborneur,
même dans le cas où le témoin n’aurait pas établi un faux témoignage, et où il
n’y aurait donc pas de délit principal de faux témoignage.
Me Bernard AYAYA
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