SAGA de SEM LM WALLE en DEUX ans sous COVID-19

Maître Louis-Marie, WALLE Lufungula, au deuxième tour, après celui du mercredi 10 avril 2019, que cet ancien magistrat du parquet de Grande Instance de Goma, devenait le troisième gouverneur élu de la Province mythique de la Tshopo. Il n'a pas laissé au Gouverneur sortant Constant LOMATA aucune chance pour se succéder à lui-même ! Dix-sept voix obtenues sur les 27 votants alors qu’au premier tour il avait eu sept voix, poursuivi par C. LOMATA qui en avait six.

Dans les rues "boyomaises sans FIL", c’était une liesse populaire : des cris de joie, des klaxons de taximen-motos retentissaient partout. Pour saluer l'arrivée à la tête de la TSHOPO, d'un digne fils, avec espoir « cette dernière va bientôt avoir une nouvelle ère pour son décollage et son développement », mais c'était sans compter avec la meute des sorciers et autres chiens enragés déterminés à faire descendre, par tous les l'apôtre et l'envoyé du Maitre pour le développement et la promotion de la Province.

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Pour rappel, Louis Marie Lofungola avait démissionné du PPRD pour se présenter en indépendant avec comme vice-Gouverneur, M. Maurice ABIBU Sakapela Bin Mungamba, ancien journaliste de la RTNC/Kisangani, grand défenseur du RCD/Goma à Kisangani, il fut ministre provincial en charge de l'Intérieur, Sécurité du premier gouverneur de Province M. Jean ILONGO Tokole, premier Gouverneur de la Tshopo issue de la province Orientale démembrée.

WALLE Lufungola, qui est-ce ? Juriste de formation, né à Yangambi un certain 25 juillet 1964. Il a fait ses humanités Latin Philo au Collège Maele à Kisangani, ses études de Droits à l’Université de Kinshasa. il fut nommé magistrat au parquet de Grande Instance de Goma. De là, il embrassa la carrière politique avec "l'avènement de conglomérat des opportunistes et aventuriers de l’AFDL" du Mzee Laurent Désiré KABILA. En 1996, à Kisangani, il fut nommé Premier Secrétaire Provincial de l'AFDL, fonction supposé à tort comme supérieur à celui du Gouverneur de Province ! Il quitta ses fonctions du Directeur Général du Journal Officiel de la RD Congo, avant de poser sa candidature au poste de Gouverneur de province. Marié et Père de cinq enfants, le troisième Gouverneur de la Tshopo, Louis marie WALLE Lufungola, conscient de l'envoutement voir du signe indien qui poursuit la TSHOPO depuis l'indépendance nationale, avec des guerres et tueries à répétition (rébellion 1964, mercenaires de tout bord, l'avènement des opportunistes et aventuriers de l'AFDL, qui confia la Province à DIEU (Jésus) en organisant une Prière Œcuménique à l'Esplanade de la poste de Kisangani.

Depuis lors, tous les sorciers et autres esprits malins s'acharnent contre lui avec des accusations mensongères. Mais le Maitre de l'Univers est toujours avec lui et malgré tout, il tient bon et ses compatriotes l'ont surnommé, "TCHUMA ya MOTO càd barre de fer chaud", qu'on ne serait tenir à mains courantes !

Malgré des complots ourdis des sorciers de tout acabit, Me LM WALLE L. résiste encore aux ouragans des motions à répétition qui secouent des Institutions Provinciales à travers la RD Congo ! Visé par une deuxième motion de censure signée par 14 élus sur les 28 députés de la province de Tshopo, WALLE Lufungula et toute son équipe gouvernementale ont pu saisir la COUR constitutionnelle et l'Assemblée provinciale notifiée, aurait dû ne pas aller jusqu'au bout, en votant leur motion de censure, initialement signé par 14 élus, ce sont 17 députés qui ont voté ladite motion, sans atteindre le quorum requis en pareille situation. Ayant constaté l'erreur, ils auraient établi un Procès-verbal en dehors de l'Assemblée Provinciale : "faux usage de faux"! Ainsi la Cour Constitutionnelle est saisie de toutes ces irrégularités.

Mais les prétendus connaisseurs de la chose juridique ne s'entendent pas sur la surséance de l'action (!), attendons l'Institution ayant qualité et autorité pour interpréter la LOI, la Cour Constitutionnelle. D'ici là, le combat cessa faute de combattants et les affidés de chaque camp se battent dans les réseaux sociaux.

Pourtant "Nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits " ! En effet, l’exécutif provincial est notamment accusé de "manque de vision claire de développement, des actions hasardeuses, à bâton rompu, clopin-clopant et clairement prédatrices, une gestion «opaque et calamiteuse» des finances publiques ainsi que le détournement de 2,5 millions de dollars américains....”

Absent à la fameuse séance où il était attendu pour répondre aux accusations contenues dans leur motion, SEM le Gouverneur WALLE, à travers une lettre adressée au bureau de cette assemblée, les invita à la sagesse afin d’éviter «une énième humiliation (!)». En effet, SEM le Gouverneur, Louis-Marie Walle Lufungula dénonce l’attitude des députés, qui reviennent sur un problème déjà tranché en sa faveur aussi bien par la cour d’appel que par la Cour constitutionnelle.

Evoquant le principe général de droit selon lequel "nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits", afin d'«éviter une énième humiliation à la population de la Tshopo par des actions irréfléchies et hasardeuses des députés provinciaux».

Wait and see ....jusqu'à la fin de la procédure devant la COUR constitutionnelle. Dans l'entre-temps, un général de la PNC qui a tenu imprudemment "la barre incandescent LMWL", en a eu pour son compte !


samedi 26 janvier 2013

 
Libération : le  6 octobre 2012, par Maria Malagardis


Ce n'est pas une thèse géopolitique, sociologique ou historique sur l'état du plus grand pays d'Afrique subsaharienne, le Congo-Kinshasa, ancien Congo belge, aujourd'hui république démocratique du Congo (RDC). Le livre de David Van Reybrouck est cependant un peu tout cela, la magie en plus. Congo. Une histoire est un roman épique racontant le destin inouï d'un pays qui a été exposé à la mondialisation dès le XIXe siècle. Pays phare, pays miroir de la société mondiale au fil des siècles, mieux, des millénaires. Et si la plume de David Van Reybrouck est bien celle d'un romancier, ses héros sont de «vrais gens» que l'on suit au gré des événements depuis… 90 000 ans ! On dévore cette œuvre littéraire, que l'on soit ou non féru de cette partie du monde. Une lecture indispensable pour comprendre ce qui se joue aujourd'hui au cœur de ce continent agité depuis le commencement de l'humanité.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé au Congo ?
J'ai souvent pensé qu'au Congo, on voit les deux extrêmes de l'humanité. Des gens très émouvants, très courageux, qui font face à une cruauté, voire à des atrocités incroyables. La forme que cette cruauté prend à l'est du pays est excessive, la violence extrême. Mais l'idée de ce livre m'est venue parce que je souhaitais le lire et qu'il n'existait pas. En 2003, avant mon premier voyage au Congo, j'avais cherché en vain un ouvrage de ce genre dans les librairies de Bruxelles. Un livre qui raconterait l'histoire du pays, de façon à la fois historique et littéraire. En tant qu'archéologue et préhistorien, j'ai toujours été passionné par l'Afrique. J'ai aussi subi l'influence de mon père qui a vécu au Congo avant ma naissance, même s'il me parlait peu de cette période de sa vie. J'ai finalement écrit ce livre en m'inspirant du style d'un ouvrage paru dans les années 80 sur l'Australie : The Fatal Shore, de Robert Hughes.

Une publication a priori inclassable, comme l'avait d'ailleurs déjà écrit mon éditeur sur la manchette de mon premier livre, le Fléau. En fait, le terme qu'on utilise en anglais est «non-fiction littéraire». C'est une tendance très populaire dans le monde anglo-saxon. Le seul exemple que je connaisse en France est le livre de Jean-Paul Kauffmann, la Chambre noire de Longwood, sur la maison de Napoléon à Sainte-Hélène. Ce sont des ouvrages qui se situent toujours entre l'historiographie académique, la littérature et le journalisme. C'est entre ces trois pôles-là que je me place dans Congo. Mon idée était aussi de rendre compte de l'histoire du pays bien avant la colonisation. J'ai voulu remonter jusqu'à la préhistoire, au premier homme. Il était important de faire un grand saut en arrière pour montrer que l'histoire ne commence pas avec l'arrivée de Stanley [en 1874, ndlr] ou avec les explorateurs européens.

Vous avez choisi de suivre des personnages, africains ou non, des grands témoins et acteurs, à charge pour eux de narrer leur histoire et donc l'Histoire.
Oui, je raconte l'Histoire à travers des histoires. Au début, je voulais rattacher chaque chapitre à un témoignage particulier. Mais je me suis aperçu que les personnages qui avaient vécu dans les années 50 se retrouvaient aussi dans les années 60. Les existences épousent le fil de l'Histoire. J'ai travaillé six ans sur le Congo pour ce livre, en faisant des allers-retours plutôt que de m'y installer afin de garder un œil neuf. A chaque voyage, j'avais de nouvelles questions en tête. Au total, j'ai fait une douzaine de séjours. A deux reprises, je me suis retrouvé embarqué dans un voyage officiel, ce qui m'a permis de constater l'isolement des diplomates et des politiques qui appréhendent la réalité depuis leur bulle, entre la voiture climatisée, l'hôtel, la salle de réunion…

Selon vous, c'est la mondialisation qui crée les tensions ethniques, lesquelles sont avant tout urbaines.
En effet, le Congo n'est pas le théâtre d'une sorte de sauvagerie surgie de la nuit des temps, et qui nous conduirait Au cœur des ténèbres. J'ai d'ailleurs horreur de cette image qui colle au Congo depuis ce livre de Conrad. Même si les formes que prennent ces conflits peuvent parfois sembler archaïques, la résurgence de références ethniques, et donc identitaires, est liée à des enjeux très modernes : surpopulation, ressources rares, multiplication des armes et des groupes armés dans un Etat en faillite, corruption endémique, capitalisme le plus sauvage qu'on puisse imaginer, et qui déshumanise. Sous la pression des réseaux économiques, démographiques, militaires, on assiste ainsi à une accélération de la prise de conscience tribale. A l'est, il y a eu aussi les conséquences du génocide au Rwanda qui s'est répercuté dans le Congo voisin. J'évoque dans mon livre un témoignage : «Moi, enfant, je ne savais pas que dans ma classe il y avait des Tutsis. J'avais une amie tutsie, on voulait se marier mais, tout d'un coup, ce n'était plus possible.» En Belgique aussi, l'ethnicité prend de l'importance. Ce sont des questions qui ne sont pas figées depuis la nuit des temps, au contraire. Rien n'est aussi liquide que l'identité.

Quel est le moteur le plus important de ce retour à l'ethnicité ?
La surpopulation est un facteur très sous-estimé. Pourtant, quand on regarde la carte démographique de l'Afrique, on distingue quatre gros cercles et un nuage. Les quatre cercles signalent les immenses métropoles africaines du XXIe siècle : Le Caire [Egypte], Lagos [Nigeria], Kinshasa-Brazzaville [de part et d'autre du fleuve Congo], puis Johannesburg et Pretoria [Afrique du Sud]. Sur cette même carte, il y a une sorte de nuage : la région des Grands Lacs. Je crois que l'homme est capable de survivre dans des contextes extrêmement peuplés comme Lagos, Tokyo ou Mexico tant qu'il y a un lien avec un arrière-pays qui parvient à nourrir ceux qui vivent dans les capitales. En Afrique centrale, surtout dans la région des Grands Lacs, avec cette très forte progression démographique, ce n'est pas le cas, et c'est nouveau pour la planète : pour la première fois, des zones rurales sont touchées par la surpopulation.

Il y a au Congo un nombre incalculable de langues et de dialectes. Or la langue est un moyen de se distinguer…
Oui, mais la conscience identitaire ne lui est pas forcément liée. Encore une fois, c'est plutôt le contexte qui joue. Je pense que les groupes sociaux émergent ou se renforcent quand ils se sentent menacés. La langue peut alors devenir le moteur d'un discours identitaire.

Même si la résurgence du phénomène est récente, la colonisation n'a-t-elle pas joué un rôle dans cette prise de conscience ethnique ?
Oui, certainement. On envisage souvent la pensée ethnique comme quelque chose d'archaïque, de rural et de précolonial, alors que je constate que c'est un phénomène colonial, récent et très urbain. Mes recherches m'ont conduit à repérer comment cette pensée s'est enracinée pendant les années 20 et 30. Des bureaux ethnographiques ont été créés entre les deux guerres. A cette époque, l'ethnographie se référait à l'anthropologue américain Franz Boas : il a été le premier à faire du terrain et à vivre avec des sociétés non occidentales, alors que, jusqu'à la fin du XIXe, un anthropologue restait avant tout un intellectuel de salon qui lisait dans son bureau le rapport des missionnaires ou des explorateurs.
Après les études de Boas, on a commencé à classifier les tribus et à bétonner des différences selon des catégories parfois superficielles, ignorantes des réalités plus subtiles de la vie des communautés locales, qui d'ailleurs ne se reconnaissaient pas exclusivement dans ce découpage. Les missionnaires ont été les premiers à appliquer cette façon de considérer les autochtones. Ils ont appris aux ethnies à se distinguer les unes des autres. Les écoliers devaient chanter : «Nous sommes de telle tribu et nous en sommes fiers.»

Une pensée éthique s'est installée d'autant plus facilement que ces missionnaires, souvent de souche flamande, ont évangélisé dans les langues locales pour mieux s'implanter. Cette conscience ethnique a donc été transmise par les missionnaires. Quelqu'un né en 1890 au Katanga ne connaissait même pas l'existence de l'océan. Vingt ans plus tard, ses enfants allaient à l'école chanter des chansons sur les Pygmées, les Bangala, les Bakongo ou les Bashi. Des chansons qui véhiculent des stéréotypes et creusent un fossé entre les différentes communautés.

Mais ce territoire n'avait pas forcement vocation à être une nation…
Le Congo, tel que l'a conçu le roi Léopold II [de Belgique], était un découpage artificiel. Et par la suite, il y a très souvent eu des tentations sécessionnistes, du régionalisme. Il ne faut pas forcément habiter un vaste territoire pour être régionaliste : regardez la Belgique ! S'il y avait un référendum aujourd'hui pour savoir si les Congolais veulent découper leur pays par régions, le résultat serait largement favorable au maintien de l'intégrité nationale. En fait, la conception ethnique de la société s'est forgée durant la période de la colonisation, puis a connu une première accélération, après l'indépendance, avec l'émergence des séparatismes. C'est finalement Mobutu qui a créé un sentiment de fierté à l'échelle nationale, la fierté d'être congolais, ou plutôt zaïrois à l'époque, puisque le pays a été rebaptisé Zaïre avant de redevenir le Congo après la chute de Mobutu. Reste que, sur cet immense territoire (de la même taille que l'Europe de l'Ouest), Mobutu a réalisé en dix ans ce que l'Union européenne n'a pas pu faire en soixante ans : créer un sentiment national, un sens d'appartenance.

Mais à quel prix ?
Je ne défends pas Mobutu bien sûr ! Dans les années 80-90, il s'est laissé entraîner dans une dérive dictatoriale meurtrière. Mais, durant les dix premières années de son règne, entre 1965 et 1975, ce despote, qui avait fait pendre trois ministres et un sénateur, a aussi forgé une identité nationale. C'était un militaire, il avait également été journaliste. Après son coup d'Etat, il s'est appuyé sur l'armée et les médias. Il a créé une pensée ethnique et tribale, mais qui englobait cette fois tout le Congo. Comme si c'était un village dont il était le grand chef. C'est peut-être l'héritage le plus important de Mobutu et de cette époque. Car, pour le reste, l'Etat a fait faillite sous sa férule. Sa politique économique et monétaire a été catastrophique. Son œuvre agricole, de même. Mais son bilan sur l'imaginaire, sur le sentiment d'appartenance à une communauté nationale a encore un impact aujourd'hui. C'était un grand communicant, il s'est notamment servi de la musique de façon exceptionnelle pour promouvoir sa politique et sa vision du pays. Il l'a utilisée comme vecteur d'une conscience nationale.

Vous êtes assez sévère avec Patrice Lumumba, que Mobutu a fait assassiner pour s'installer au pouvoir.
Je ne suis pas sévère, mais j'essaie de dresser un bilan de l'action de Lumumba, comme de celle de Mobutu, Kabila ou Léopold II, et de comprendre ce que font les gens dans le contexte de leur temps, sans donner des jugements de valeur a posteriori, selon les critères de nos jours. Lumumba a été un penseur hors du commun, un orateur extraordinaire, qui a eu une vision nationale alors que ceux de sa génération avaient une vision tribale. Il avait aussi une vision sociale, quand les autres avaient une vision élitiste.
Mais il a été très impatient de revendiquer une indépendance immédiate, intégrale et inconditionnelle, avec très peu d'expérience et très peu de personnel capable de gérer les instances militaires, économiques, politiques : il y avait seize diplômés universitaires à l'indépendance ! Sa vision était correcte, son impatience l'a fait basculer.

Cela dit, il a dû fonctionner dans un contexte très difficile, tout le monde était contre lui. Il avait raison de vouloir africaniser l'armée, constituée d'officiers blancs et de soldats congolais, mais il n'aurait pas dû le faire du jour au lendemain, dès l'indépendance.
Depuis, le Congo n'a jamais eu d'armée régulière qui puisse incarner l'Etat. Il a aussi eu tort d'envoyer cette armée peu structurée combattre la sécession kasaïenne : le prix humain fut très lourd, on parla même d'un génocide. Cependant, la plus grande erreur a été commise par les Belges quand, onze jours après l'indépendance, ils ont expédié leurs militaires pour restaurer l'ordre. Dans un pays indépendant ! La Belgique aurait dû faire appel à l'ONU. Lumumba a, lui, d'abord demandé le soutien des Nations unies, puis des Américains, sans succès. Il s'est alors tourné vers les Soviétiques et la guerre froide s'est étendue à l'Afrique pour la première fois. Aujourd'hui, il faut distinguer le martyr de l'homme Lumumba. Son mythe reste intact. C'est un symbole incroyable, une figure clé de l'indépendance. Il continue d'incarner l'autonomie, une Afrique audacieuse, aspirant à la modernité et à la liberté.

Le Congo n'a pas connu la démocratie…
En 2006 pourtant, lors de la première élection de Joseph Kabila, le peuple congolais a montré une maturité impressionnante. Mais il aurait fallu tenir des scrutins locaux, provinciaux, parlementaires et la présidentielle, dans cet ordre-là. Or, on a commencé par les législatives, la présidentielle, puis les provinciales, les locales n'ont jamais eu lieu. C'était une grave erreur. Les élections locales devaient être le premier pas et la présidentielle venir plus tard. Aujourd'hui encore, les élections ne servent pas à connaître la volonté du peuple, mais à donner des gages à la communauté internationale. Celle-ci n'est pas dupe, mais a, jusqu'ici, plus ou moins accepté cette illusion hypocrite. Les élections sont désormais la référence absolue de la démocratie : si on vote, c'est que ça va mieux. Dans les années 90, démocratie et droits de l'homme sont devenus les critères et les cris de guerre de toute interférence internationale. Avec cette pseudo-solution : il faut organiser des élections le plus vite possible. Est-ce la chose la plus importante à faire, quelques années après une guerre, dans des Etats qui n'existent pas ?

L'Occident souffre de son fondamentalisme électoral. C'est une nouvelle évangélisation où les tours de scrutin font office de sacrements : la forme l'emporte souvent sur le contenu. Or, outre le fait que les cafouillages et les fraudes contredisent cette logique, on ferait peut-être mieux de préférer la démocratisation de la société et de la vie politique à la démocratie : favoriser l'émergence d'une presse libre, d'une conscience critique et citoyenne, du débat politique, de l'éducation. Car les élections, hélas, ne prouvent rien, ne résolvent pas les problèmes. On le voit bien au Congo où Joseph Kabila s'est déclaré réélu en 2011, alors que l'opposition dénonçait un scrutin irrégulier.

Dans ce contexte, François Hollande a-t-il bien fait d'accepter de se rendre,le week-end prochain, à Kinshasa pour le sommet de la Francophonie ?
Mes sentiments sont doubles. Le Congo est un des plus grands Etats francophones au monde. Je trouve honorable que ce pays qui a beaucoup souffert accueille le sommet de la Francophonie. Il ne faut pas l'isoler de la scène internationale. En même temps, j'ai du mal à accepter que tous ces leaders occidentaux qui n'ont pas protesté quand le régime actuel a changé la Constitution [le scrutin présidentiel a été réduit à un tour, au lieu de deux précédemment, ce qui a énormément favorisé la réélection de Kabila], que tous ceux qui n'ont pas dénoncé les irrégularités des élections, se dirigent maintenant vers Kinshasa. Qu'ils le veuillent ou non, ils avalisent un régime dont on ne reconnaît pas la légitimité.

 Est-ce que ce ne sont pas ses richesses qui ont perdu le Congo ?
C'est vrai, ce pays regorge de ressources dont les populations n'ont jamais profité, mais dont l'exploitation et le pillage reflètent les grandes étapes de l'industrialisation occidentale. A chaque fois que le capitalisme mondial a eu besoin d'une matière première stratégique, il l'a trouvée au Congo. D'abord les esclaves entre les XVe et XIXe siècles, l'ivoire au XIXe, qui a servi à faire les notes des pianos, les boules de billard, etc. Puis vint l'ère du caoutchouc : les besoins en Europe étaient immenses et Léopold II a exploité au prix d'innombrables atrocités cette ressource disponible dans les grandes forêts du pays. Durant la première moitié du XXe siècle, ce fut le temps du cuivre. Pendant les deux Guerres mondiales, comme pendant celles de Corée et du Vietnam, les Américains ont puisé dans les ressources congolaises. La bombe de Hiroshima a été conçue avec de l'uranium provenant du Congo ! En clair, ce pays a joué un rôle militaire dans l'histoire mondiale. Pendant la guerre froide, l'accès à l'uranium et au cobalt a été un enjeu du conflit entre les Russes et les Américains. Le Congo, entouré d'Etats à tendance communiste, était devenu un pays pro-américain. Le Congo possède toujours ce dont le capitalisme mondial a besoin. Après l'uranium, il y a eu le coltan pour les téléphones portables et l'informatique. A l'avenir, l'enjeu sera certainement l'énergie hydroélectrique. Imaginez si le barrage du Grand Inga est mis en fonction : le Congo pourrait alors alimenter toute l'Afrique. Sans compter ses réserves en eau potable. Ce pays est une éponge trempée au sein d'un continent en train de s'assécher. Il a l'immense atout de disposer d'un fleuve gigantesque qui se trouve tout entier sur le territoire national.

L'intérêt récent de la Chine, qui s'implante en Afrique et notamment au Congo, dessine-t-il une nouvelle forme d'exploitation, voire de colonisation ?
Ce n'est pas de la colonisation, c'est trop facile d'expliquer la présence chinoise en se référant uniquement à ce qui s'est passé dans la première moitié du XXe siècle. C'est une nouvelle étape de l'histoire, encore difficile à qualifier. Plus proche finalement de l'exploitation européenne de l'Afrique avant la colonisation, avec l'idée de faire du commerce sans vouloir administrer ces territoires. Dans les commentaires sur les Chinois en Afrique, il y a aussi beaucoup de jalousie de la part des Occidentaux, une lecture très européocentriste des évolutions en cours. L'Europe a perdu de son influence dès 1945, quand elle a accepté le leadership américain.

La Chine, c'est un nouveau leadership qui s'installe, notamment en Afrique. Mais la différence, c'est que ce pays millénaire a une conscience différente du temps. La Chine a le temps devant elle ! Et, au sein de leur Etat, ses dirigeants gèrent, en jouant toujours le long terme, un quart de la population mondiale. Ils feront attention à ne pas susciter trop de contestations sur leur présence. Dans certaines entreprises chinoises, les conditions de travail sont dures. Mais quand un manager chinois a été tué en Zambie début août, le message a été compris à Pékin. On a par ailleurs tendance à oublier que la Chine n'est pas seule en Afrique. La Corée du Sud, la Turquie, l'Afrique du Sud, le Brésil, tous les pays émergents sont également présents. Le capitalisme mondial continue à se mondialiser et l'Occident ne va pas cesser de se marginaliser. On le verra au Congo comme ailleurs.

La vision de l'Afrique est-elle en train de changer ?
J'ai récemment rencontré l'écrivain [du Congo-Brazzaville] Alain Mabanckou. Nés tous les deux après l'indépendance, nous sommes d'une autre génération, un peu plus décomplexée. A nous d'aller au-delà de la pensée binaire : noir et blanc.

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