jeudi 20 septembre 2012
JOSEPH KABILA : « HAUTE TRAHISON ? »
Les Kinois
n’ont pas cru leurs oreilles en suivant la retransmission de la déclaration de
M. Rémy Massamba, fils du richissime propriétaire des écoles Massamba et leader
d’une des ailes de l’Udps, accusant le Président de la République du crime de
haute trahison. On s’était attendu à une réaction fulgurante du pouvoir pour réfuter cette gravissime accusation et,
en même temps, si pas nécessairement une action policière mais au moins une montée
en ligne des médias du pouvoir. Ce fut le calme plat. Depuis, José Makila du
Mlc s’est engouffré dans la brèche, suivi par un certain M. Mavungu, de
l’Udpas /Tshisekedi. Visiblement, le camp présidentiel a été sonné, ce qui
veut dire que, quoi qu’il advienne, plus rien ne sera comme avant.
Jusqu’à
maintenant, la gestion de la politique rwandaise du pouvoir a été du domaine
exclusif des Katangais, les différents ministres des affaires étrangères ayant
toujours été tenus à l’écart des véritables enjeux des négociations avec
Kigali.
Lors de son
dernier entretien avec quelques représentants de la presse kinoise, le
Président Joseph Kabila a parlé, s’agissant de la présence militaire rwandaise
au Kivu, « d’un secret de Polichinelle ». En l’état, cette expression
signifie « connu de tout le monde ». Si la formule fit mouche, elle fut
loin d’éclaircir une question bien ténébreuse. Triés sur le volet, les
journalistes présents s’abstinrent de chercher à embarrasser le Chef de l’Etat
en sollicitant plus d’explications.
Mais,
depuis, les faits ont été plus éloquents que les discours, des faits de plus en
plus troublants, le dernier en date étant le rapatriement très médiatisé de
deux compagnies des forces spéciales rwandaises. Le Dr Kiantede Nzogu, certes
un anti-kabiliste avéré, n’en pose pas moins une série des questions qui
rendent perplexe. L’une d’elles : «Pourquoi,
en plus, le commandant militaire congolais au Nord-Kivu (général B.) et le chef
de la DEMIAP (colonel Yav) sont-ils présents sur la vidéo diffusée par les
Rwandais (….) riant, plaisantant et en train de s’embrasser avec leur supposé
ennemi rwandais, le général Charles Kayonga, un de ceux parmi les hauts
dignitaires de Kigali qui sont accusés d’avoir créé, entraîné, armé et dirigé
le soi-disant M23 ?».
Dans un
article paru dans Jeune Afrique le 13 juillet dernier, M. Rudatsimburwa,,
directeur de Radio-contact de Kigali, parlant sans doute au nom du pouvoir,
qualifiait feu Katumba Mwanke de « plus brillant stratège politique congolais
du début du 21ième siècle ». L’opinion congolaise apprenait ainsi
que c’est Katumba Mwanke qui était le concepteur de la politique rwandaise de
la RDC. Ce qui, par contre, était du domaine du public est que le
plénipotentiaire de Kinshasa dans les contacts avec Kigali était le Général
John Numbi, qui s’afficha devant les caméras avec Laurent Nkundabatware et fut
payé en retour, paraît-il, d’un important cheptel de bovins transporté par une
flotte d’avions au Katanga, aux frais de l’Etat congolais.
Depuis,
Katumba Mwanke est mort au cours d’un accident d’avion pour n’avoir pas attaché
sa ceinture de sécurité, comme si sa toute puissance lui avait fait croire
pouvoir commander aux éléments.
Le génie de
M. Katumba Mwanke serait donc d’avoir inspiré cette politique qui
s’abstint de dénoncer la présence
continue des forces armées rwandaises au Kivu depuis 1996, faute de l’avoir
autorisée, en plus du fait d’avoir permis l’intégration des milliers des
soldats rwandais dans les rangs des Fardc et confié la chaîne de commandement
des armées congolaises du Nord-Katanga jusqu’à l’Ituri en passant par les Kivu. Comme par hasard, c’est sur cet espace que le
Rwanda ambitionne d’élargir ses frontières. On peut se référer, pour ce faire,
à la carte des nouvelles frontières rwandaises publiée par Kigali en 1998.
Certains de
ceux qui avaient fréquenté feu Katumba disent de lui que c’est un homme qui se
plaisait à dire « Hatukuya kucheza » (On n’est pas arrivé au pouvoir
pour jouer mais pour s’enrichir) (traduction libre). Grâce à cette politique,
le Rwanda se livre à l’épuration ethnique dans les Kivu sans discontinue,
massacrant, terrorisant afin d’inciter les populations à abandonner leurs
terres. En même temps, des populations rwandaises sont régulièrement
transplantées au Kivu, ce dont avait rendu compte un journaliste britannique
quelques années passées, ayant visité l’île d’Iwawa sur le lac Kivu où des
ex-Interhamwe sont reconditionnés, réarmes et transférés au Congo. Nos
compatriotes de Beni-Lubero Line ne cessent d’informer sur des prétendus réfugiés tutsi
« revenus » du Rwanda, dont les grosses familles (25 personnes en
moyenne) se caractérisent par le fait que la différence d’âge entre parents
supposés et enfants tournerait autour de cinq ans.
La question
me posée par un homme politique européen est celle de savoir comment M. Joseph
Kabila, le Président du Congo, a pu, à tout le moins, laisser faire Katumba
Mwanke et son cercle des Katangais. L’explication qui me vient à l’esprit se
rapporte à l’état psychologique du Chef de l’Etat. Voici un homme dont on dit
que son père ne serait pas son père ; que sa mère ne serait pas sa mère
(un universitaire connu ayant même déclaré avoir rencontré « sa mère
biologique » aux Etats-Unis) ;
que son nom ne serait pas son nom ; que sa sœur ne serait pas sa
sœur ; que sa femme ne serait pas sa femme mais celle d’Eric Lembe ;
que sa tribu ne serait pas sa tribu ; que son pays ne serait pas son pays
etc.
Une telle
campagne d’intox, comparable à celle qui fut déclenchée contre Patrice Lumumba
en 1960, mène inévitablement à conséquences. Le résultat est donc que Joseph
Kabila se serait recroquevillé sur son très proche entourage, abandonnant
pratiquement la gestion des affaires à Katumba. Car imaginez les dégâts en cas
de défection d’un de ces proches, lequel aurait alimenté la thèse de sa
filiation douteuse. A cela, il sied d’ajouter la dimension sécurité personnelle
de la part d’un homme dont le père fut tué dans son bureau, et le grand père
assassiné par des adversaires politiques.
Sous
d’autres cieux, étant donné que sa fortune est faite et qu’il est encore jeune,
il se serait retiré mais c’est mal connaître la nature du pouvoir en Afrique. L'ampleur des abus est telle que la perspective de quitter le pouvoir fait peur,
à l’idée que le successeur ne demande des comptes. En effet, si ceux qu’on
appelle les Mobutistes s’en sont tirés à si bon compte, c’est par la volonté du
pouvoir qui les a remplacés. Autrement, les prisons auraient manqué de places.
A moins que
le Président en soit venu à croire, ce qui semble ahurissant, que grâce à ses
appuis occidentaux, qu’aucune force ne pouvait empêcher le Rwanda de réaliser
ses ambitions d’expansion territoriale aux dépens du Congo.
Si cette
hypothèse s’avère plausible, la pression de maints dirigeants occidentaux, dont
Sarkozy, y aura été pour quelque chose.
L’autre
hypothèse est celle que j’ai déjà eu à formuler, à savoir que, comme feu son
père, Joseph Kabila a pu être convaincu que le projet rwandais buterait à
l’handicap démographique, et que donc le Rwanda n’aurait jamais suffisamment de
populations pour peupler le Kivu. Cette hypothèse semble également soutenue par
Pierre Péans, dans un article retentissant paru à Bruxelles dans lequel il
prône le retour des Tutsi congolais au Rwanda, leur mère patrie. Bénéficiant de
la profondeur que lui donne un pays vaste, le Chef de l’Etat aurait pu penser laisser faire le Rwanda au Kivu pendant qu’il
se bâtirait une puissante armée afin d’en découdre le moment venu.
Si c’est le
cas, son pari aura été extrêmement risqué. On ne dîne avec le diable qu’en se
munissant d’une bien longue cuillère. Celle du Président a été trop courte. En l’occurrence,
penser surprendre un ennemi si futé, qui a su rouler dans la farine le monde
entier, relevait de l’équation impossible.
Ensuite, la
volonté de construire une armée forte, dans un climat de corruption
généralisée, systémique, est une chimère. Pour créer les conditions devant
inciter le soldat à sacrifier sa vie pour son pays, il faut impérativement une
gouvernance plus ou moins saine. Le soldat doit bénéficier d’une solde
permettant de se valoriser au sein de la société ; il doit être convaincu
qu’en tombant sur le champ de bataille, sa famille aura la reconnaissance de
l’Etat. La Nation doit poser des actes forts en reconnaissance de ceux qui
l’ont précédé dans le sacrifice. Ce n’est pas pour rien que dans la plupart des
pays du monde, l’entretien de la flamme du soldat inconnu est élevé au rang du
premier devoir de la Nation, que des cérémonies grandioses sont régulièrement
organisées pour saluer la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour le pays.
Au Congo, rien de tout cela n’est fait. Si c’était pour endormir la vigilance
de Kagame, c’est raté.
Il y a
quelques semaines, une information de la presse britannique, toujours en avance
sur l’Afrique, indiquait que Kigali aurait décidé l’éviction de Joseph Kabila.
Un des noms cités pour le remplacer serait….John Numbi, empêtré dans le
scandale de l’assassinat de Floribert Chebeya. John Numbi est l’ancien patron
des jeunesses de la Juferi de Kyungu Wa Kumwanza lors du pogrom des Kasaïens
dans les années 90. Or, que constate t-on ? Kyungu, un sécessionniste
katangais notoirement connu, est entré
dans une soudaine agitation politique, soi-disant pour forcer Kinshasa à
organiser un référendum sur l’autonomie des provinces. Entre-temps, par le M23
interposé, le Rwanda a promis un coup d’Etat à Kinshasa en septembre.
Je crois
devoir ajouter l’information donnée par l’ambassade de la RDC à Bruxelles
indiquant que la décision ayant frappé le
cinéaste belge Thierry Michel, refoulé de Kinshasa malgré la possession d’un
visa en règle, n’avait été prise ni par la Présidence, ni par la Primature.
Cela veut clairement dire que, pour le moins, le pouvoir, au Congo, ne serait pas aussi concentré comme il le fut
sous Mobutu ou sous Laurent Kabila.
Il y a
quelques années, Laurent Nkunda avait déclaré que Joseph Kabila était tutsi
comme lui, ce qui est évidemment faux mais destiné à le discréditer aux yeux de
ses compatriotes. Comme chez eux rien ne se passe au hasard, les observateurs
en avaient conclu que le Président congolais était dans le viseur de Kagame.
James Kabarebe, dans sa longue interview avec Braeckman, vient de l’accuser d’être
associé à Bosco Ntanganda dans le trafic des minerais au Kivu. S’y ajoute,
naturellement, l’épisode du rapatriement des deux compagnies spéciales
rwandaises.
Pourquoi le
Président reste-il sans voix ? Ses détracteurs disent, comme on le lit sur
le Net, que c’est par peur que Kigali ne « le déballe » davantage.
Mais ceux qui le soutiennent rappellent qu’il communique généralement peu, et
souvent mal et que sa stratégie ne l’a pas empêché de rester au pouvoir depuis
plus de 10 ans. Mais s’il communique mal, Joseph Kabila bénéficie des effets
d’un retournement de l’opinion internationale non seulement au sujet des crimes
commis par Kigali au Kivu mais des tenants et aboutissants du génocide
rwandais. Il y a eu tellement d’écrits, tellement d’enquêtes notamment menées
par des experts du Tribunal d’Arusha, des investigations menées par des
chercheurs américains qui démontrent que si génocide il y a eu au Rwanda, il
fut le fait du Fpr.
Mais comment
faire alors que les Etats-Unis, l’Angleterre, voire la Belgique, ont été
impliqués dans la commission des massacres ayant permis au Fpr de prendre le
pouvoir, même si le vent tourne immanquablement ? Il y a trois ans,
le Premier Ministre Yves le Terme avait refusé de rencontrer Kagame de passage
à Bruxelles, tout comme son Ministre des Affaires étrangères Van Ackerre, alors
qu’auparavant, les autorités belges s’empressaient de dérouler le tapis rouge
pour le tyran de Kigali. De surcroît, les rapports de force au niveau mondial
ne sont plus ce qu’ils étaient dans les années 90 et le Fpr lui-même est en
proie à de graves dissensions d’ordre historico-culturelles entre Bega et
Nyinginya qui vont inévitablement se terminer par des massacres généralisés
comme cela a toujours été le cas dans l’histoire des monarchies tutsi à
l’époque pré-coloniale.
Toutefois,
même si la conjoncture internationale est favorable, le Congo ne se tirera des
griffes rwandaises qu’en mobilisant toutes ses forces. Or, pour y parvenir, le
Chef de l’Etat a trois faiblesses de taille qu’il devrait d’abord
vaincre : 1. la corruption généralisée (la quasi-totalité des responsables
sont concernés). (Adccepteraient-ils la perte de leurs privilèges sans réagir ?) ;
2. Un appareil de l’Etat loin ’être totalement sous contrôle, y compris
l’armée dont par exemple le bataillon Simba est la propriété personnelle de
John Numbi alors que, par ailleurs, la loyauté de maints hauts responsables
politiques et militaires issus de l’Afdl, Rcd, Mlc, Cndp et autres créations
rwando-ougandaises demeure douteuse ; 3. La perte de confiance d’une population
qu’il faudra convaincre de l’inanité ou de la fausseté de l’accusation de haute
trahison.
Je ne serais
pas complet si j’oubliais de mentionner l’effet dévastateur de la décision de
porter le salaire des parlementaires à……13.000 $ (parmi les plus élevés du
monde) dans un pays qui n’arrive pas à payer 70$ à ses soldats.
Wait end see
Albert Kisonga Mazakala
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