mardi 17 novembre 2015
lundi 16 novembre 2015
TRIBUNE
Le retour du boomerang
Par Jean-François Bayart, Professeur à l’IHEID (Genève), directeur de la chaire d’Etudes africaines comparées (UM6P, Rabat) — 15 novembre 2015 à 12:31
Au Quai d'Orsay à Paris. La valise diplomatique présente toujours une qualité unique: son inviolabilité. Photo AFP
Les origines de ce 13 novembre sont aussi à chercher du côté de la politique étrangère de l’Europe et de la France ces quarante dernières années. La démission de l’Europe sur la question palestinienne, l’occasion manquée avec la Turquie que l’on aurait pu si facilement arrimer à l’UE, l’alliance de la France avec les pétromonarchies… sont autant d’erreurs qui n’ont fait qu’aggraver le désastre et nourrir rancœur et radicalisation au Proche-Orient.
- Le retour du boomerang
Au-delà de la polémique électoralement intéressée, et assez indigne, sur les mesures de sécurité prises, ou mal prises, par le gouvernement, la classe politique, les médias, l’opinion elle-même devraient s’interroger sur leurs responsabilités de longue durée dans le désastre que nous vivons. Celui-ci est le fruit vénéneux d’un enchaînement d’erreurs que nous avons commises depuis au moins les années 1970, et que nous avons démocratiquement validées dans les urnes à intervalles réguliers.
La démission de l’Europe sur la question palestinienne, dès lors que sa diplomatie commençait là où s’arrêtaient les intérêts israéliens, a installé le sentiment d’un «deux poids deux mesures», propice à l’instrumentalisation et à la radicalisation de la rancœur antioccidentale, voire antichrétienne et antisémite. L’alliance stratégique que la France a nouée avec les pétromonarchies conservatrices du Golfe, notamment pour des raisons mercantiles, a compromis la crédibilité de son attachement à la démocratie – et ce d’autant plus que dans le même temps elle classait comme organisation terroriste le Hamas palestinien, au lendemain de sa victoire électorale incontestée. Pis, par ce partenariat, la France a cautionné, depuis les années 1980, une propagande salafiste forte de ses pétrodollars, à un moment où le démantèlement de l’aide publique au développement, dans un contexte néolibéral d’ajustement structurel, paupérisait les populations, affaiblissait l’Etat séculariste et ouvrait une voie royale à l’islamo-Welfare dans les domaines de la santé et de l’éducation en Afrique et au Moyen-Orient.
Son alliance avec les pétromonarchies arabes a aussi conduit la France à appuyer diplomatiquement et militairement la guerre d’agression de l’Irak contre l’Iran (1980-1988) et à ostraciser ce dernier, alors qu’il représente, avec la Turquie, le seul môle de stabilité étatique de la région, qui détient l’une des clefs de la résolution de la plupart de ses conflits, comme nous le découvrons aujourd’hui au Liban et en Syrie. La même désinvolture a présidé à la politique de la France à l’égard d’Ankara. Au lieu d’arrimer la Turquie à la construction européenne, Paris l’a snobée, au risque de perdre toute influence auprès d’elle, de favoriser sa «poutinisation» et de l’abandonner à ses liaisons dangereuses avec des mouvements djihadistes.
Non sans cynisme, la France a joué pendant des décennies la carte de l’autoritarisme en Algérie, en Tunisie, en Egypte, en Syrie, en Irak en y voyant un gage de stabilité, en s’accommodant de la polarisation ethnoconfessionnelle sur laquelle reposaient souvent ces régimes, en espérant que les peuples se résigneraient éternellement au despotisme que l’on estimait congénital en terre d’islam, et en laissant à celui-ci le monopole de la dissidence, rendant ainsi les successions autoritaires inévitablement chaotiques. Une cocotte-minute qui explose, ce n’est jamais beau à voir.
Après avoir conforté les dictatures, la France s’est lancée avec puérilité dans l’aventure démocratique sans voir à quel point les sociétés avaient été meurtries par des décennies d’assujettissement, et en sous-estimant la froide détermination des détenteurs du pouvoir. Puis, pour résoudre d’un bombardement magique les problèmes qu’elle avait contribué à envenimer au fil des ans, elle est à son tour entrée en guerre en suscitant de nouvelles inimitiés sans avoir les moyens de s’en préserver.
Les situations inextricables de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie, de la Libye ne sont que la résultante de ces erreurs de calcul, ou de ces calculs à courte vue. Sans doute annoncent-elles ce que nous réserve la restauration autoritaire en Algérie (dès 1991) et en Egypte (en 2014). A l’aveuglement et aux inconséquences, nous avons ajouté le déshonneur par le traitement que nous avons réservé aux réfugiés qui fuyaient les guerres que nous (ou nos alliés) avions déclenchées, en Libye et en Irak, et les autoritarismes que nous avions soutenus.
Sur le plan intérieur, le bilan est aussi accablant. Pendant que nos politiques économiques néolibérales produisaient un chômage de masse et la désindustrialisation, nous avons restreint le débat public à des questions identitaires oiseuses en courant après l’extrême droite qui en faisait son miel électoral. Pas un homme politique – hormis peut-être Dominique Strauss-Kahn en 2006, pendant sa campagne pour les primaires du PS – n’a tenu un langage de vérité sur l’immigration depuis des lustres. Au lieu de tirer avantage de ce formidable atout que représente le biculturalisme de nombre de jeunes Français, nous avons rejeté une partie importante, et bien délimitée, de ceux-ci – à savoir les musulmans – dans la marginalité, et nous avons douté de leur appartenance à la nation, ce dont certains d’entre eux ont fini par douter eux-mêmes. Des présidents de la République, des ministres, des hauts fonctionnaires ont proféré en toute impunité des paroles indignes et anticonstitutionnelles, tandis que les médias ouvraient grand leurs antennes, leurs écrans et leurs colonnes à des plumitifs racistes ou ignorants érigés en penseurs. L’asphyxie financière de l’école, de l’Université, de la recherche publique, et le poujadisme anti-intellectuel dont a fait preuve à leur encontre la droite oublieuse que la République dont elle se gargarise avait été celle des professeurs et des instituteurs, à la fin du 19e siècle, nous a privés des moyens de comprendre ce qui est en train de nous arriver.
Maints analystes avaient pourtant annoncé, depuis longtemps, que nous courions droit dans le mur. Nous y sommes, bien que celui-ci, comme toujours dans l’Histoire, prenne un visage inattendu. Un examen de conscience s’impose à tous, car ces erreurs, qui nous reviennent en plein visage comme un boomerang, ont été commises à l’initiative de toutes les majorités qui se sont succédé au pouvoir depuis les années 1970. Si Sarkozy a sans conteste été le plus mauvais président de la République qu’ait connu la France, Giscard d’Estaing, Chirac, Mitterrand et Hollande se partagent la paternité de la politique suivie. Or, nous avons les dirigeants que nous élisons, et les médias que nous achetons. En bref, nous sommes responsables de ce qui nous arrive.
Seul un retournement radical pourrait nous en sortir : la remise en cause de la financiarisation du capitalisme qui détruit le lien social, créé la misère de masse et engendre des desperados ; une politique de sécurité qui privilégie le renseignement humain de qualité et de proximité plutôt que la surveillance systématique, mais vaine, de la population ; le rétablissement et l’amplification des libertés publiques qui constituent la meilleure riposte à l’attaque de notre société ; la révision de nos alliances douteuses avec des pays dont nous ne partageons que les contrats ; et surtout, peut-être, la lutte contre la bêtise identitaire, aussi bien celle d’une partie de notre propre classe politique et intellectuelle que celle des djihadistes. Car les Zemmour, Dieudonné, Le Pen, et Kouachi ou autres Coulibaly sont bien des «ennemis complémentaires», pour reprendre le terme de l’ethnologue Germaine Tillion.
L’alternative est claire, à trois semaines des élections, et elle est politique, au sens plein du mot. Soit nous continuons à laisser ces phares de la pensée et leurs experts sécuritaires nous guider vers le gouffre, et notre prochain président de la République sera un Viktor Orban, peu importe qu’il soit de droite ou de gauche pourvu qu’il nous rétracte identitairement. Soit nous conjuguons notre autodéfense avec la conquête de nouvelles libertés, comme avait su le faire, à une époque plus tragique encore, le Conseil national de la Résistance, pendant la Seconde Guerre mondiale. Telle serait la vraie réponse aux crétins assassins et aux histrions.
Jean-François Bayart
Professeur à l’IHEID (Genève), directeur de la chaire d’Etudes africaines comparées (UM6P, Rabat)
A notamment publié L’Islam républicain. Ankara, Téhéran, Dakar (Albin Michel, 2010)
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Concerne : UDPS, l’éternel gâchis !!!
Le 22 septembre 2015, la présidence de l’UDPS radiait de ses registres le bouillant Dr François Tshipamba Mpuila et 25 autres frondeurs. Ils venaient de se rendre coupables d’avoir émis un son de cloche contraire à celui autorisé. François Mpuila est un activiste bien connu sur les trottoirs de Bruxelles qu’il a arpentés sans discontinuer depuis le régime de Mobutu. D’abord adjoint à Justine Kasa-Vubu, il prend les commandes de l’UDPS/Benelux dès la défection de la fille du premier président congolais, qui avait tourné le dos à la mendicité pour embrasser l’AFDL, à sa prise de pouvoir le 17 mai 1997.
Bien connu pour la virulence de ses propos vis-à-vis du pouvoir, de Mobutu d’abord puis de Kabila père et fils, Mpuila aura littéralement sacrifié ses belles années de vie au service de la cause de l’UDPS et d’Etienne Tshisekedi, jusqu’à hypothéquer sa propre santé. il pouvait passer des nuits entières à rédiger des pamphlets qu’il distillait dans les messages e-mails. Ce qui lui a même valu un "procès en diffamation" intenté par Louis Michel, alors ministre des Étrangères. Tout Matonge de Bruxelles était présent à l'ouverture, le 1er septembre 2006 à Nivelles, de ce procès hautement médiatisé et que le volubile Mpuila avait présenté dans son invitation sur les réseaux sociaux comme "le Procès de Louis Michel contre le Peuple Congolais”.
Mais comme Justine Kasa-Vubu, révoquée du parti en 1997, tout l’activisme et toute la virulence qu’on reconnaît au Dr Mpuila ne lui auront finalement servi à rien du tout, avec sa radiation du parti. Comme quoi, la révolution a cette mauvaise manie de bouffer ses propres enfants.
Etienne Tshisekedi pourtant élu Premier ministre
L’UDPS n’a jamais conquis le pouvoir 33 ans après sa création le 15 février 1982, d’abord en clandestinité puis avec pignon sur rue à la mort du MPR parti-État le 24 avril 1990 et ce, malgré tout le crédit sympathie dont il dispose auprès de la population congolaise. L’intolérance et le radicalisme tous azimuts affichés avec une constance d'horloge suisse par la plus grande formation politique de l’opposition congolaise auront tué celle-ci à petit feu.
En 1992 pourtant, le pouvoir est à sa portée. Etienne Tshisekedi venait d’être triomphalement porté par la Conférence nationale aux fonctions de Premier ministre, le 15 août. Mais, alors que toute la presse congolaise et étrangère avait projeté le contour de son gouvernement, avec des poids lourds tels Kibassa Maliba, Tambwe Muamba, Birindwa ou encore Lihau comme ministrables, l’opposant historique va étonner aussi bien son propre monde que le Maréchal Mobutu. Il va s’enfermer dans son bureau de Limete et publier un Exécutif composé de parfaits inconnus. Dépités, ses partenaires de l’opposition, qui avait adopté le nom de guerre d’« Union sacrée », vont un à un déserter Limete et refaire les yeux doux à Mobutu. L’Union sacrée avait vécu.
Pire, à sa prestation de serment, le docteur en Droit – circonstances aggravantes – va biffer la mention relative au « Président-fondateur ». Il perd là le pouvoir légalement acquis au Palais du Peuple et va désormais présider ses Conseils des ministres sous les arbres de Limete, Mobutu ayant cadenassé ses bureaux de la Primature. Un dissident de l’UDPS, Birindwa, va être nommé à la place et va réunir dans son équipe la plupart des déçus de l’Union sacrée.
Ils ont dressé le lit de Laurent-Désiré Kabila
Mais, les hommes ne tirent finalement aucune leçon de l’histoire. En effet, d'un côté l'intolérance affichée par Tshisekedi et ses comparses, décidés de narguer le président Mobutu sans la moindre concession - "la place de Monsieur Mobutu est en prison", proclamera le lider maximo et, de l'autre, la détermination de Mobutu, qualifié désormais de tous les "noms d'oiseaux" mais décidé de se défendre bec et ongles pour conserver son pouvoir, le cocktail était suffisamment détonnant pour tapisser la voie à l’atterrissage d’un troisième larron : Laurent-Désiré Kabila et son AFDL.
Depuis, l’UDPS, et son leader « charismatique », va végéter d’opposition en opposition. Mais en décembre 2002, à la suite de la signature de l’accord de Pretoria sanctionnant le dialogue inter-congolais, une nouvelle opportunité s’offre à Etienne Tshisekedi pour rebondir sur la scène politique, avec la mise en place du gouvernement de transition ou gouvernement « 1+4 », qui sera effectif le 30 juin 2003. Alors que l’accord prévoit que le candidat à la vice-présidence de la république fasse acte de candidature au sein de sa plate-forme , le lider maximo va unilatéralement décider qu’il était « le seul opposant » et qu’en conséquence, le poste pour « l'opposition non armée » lui revenait de droit, sans daigner faire acte de candidature. Sa légendaire intransigeance lui sera encore fatale.
Si en 2006 il va boycotter l’élection présidentielle, il change le fusil d'épaule en 2011 mais manquera tout de même son rendez-vous avec l’histoire, à cause des tares accumulées tout au long du parcours de l'UDPS, que d'aucuns qualifient parfois de "parti tribal". Le lider maximo refusera de composer avec les autres opposants, depuis qu’il s’est autoproclamé « seul opposant congolais », alors qu’il pouvait négocier et, en amont, conclure un accord de gouvernement pour rester seul candidat de l’opposition face à celui du pouvoir, afin d'ainsi maximiser ses chances et minimiser les velléités de « fraudes massives », qu’il va ensuite décrier. Mais les dés étaient jetés.
A 82 ans et depuis plus d'une année en "convalescence" en Belgique selon ses proches, faut-il considérer aujourd’hui le vieil opposant comme un produit périmé ? En tout cas, il n’y a qu’un pas que plusieurs observateurs ont déjà allègrement franchi.
Cornelis Nlandu - Tsasa
Publié le 29 septembre 2015
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samedi 5 septembre 2015
Une stratégie du chaos en RDC ?
Lokuta eyaka na ascenseur, kasi vérité eyei na escalier mpe ekomi. Lies come up in the elevator; the truth takes the stairs but gets here eventually. - Koffi Olomide.
Ésthetique eboma vélo. Aesthetics will kill a bicycle. - Felix Wazekwa
Une stratégie du chaos en RDC ?
L’annonce de la mise en route du processus de décentralisation a provoqué à la fois de l’enthousiasme et du pessimisme. Si les uns s’abritent derrière le principe du « rapprochement de l’administré de l’administration », d’autres, par contre, s’étonnent de la précipitation avec laquelle cette installation est menée. Ce groupe argumente et relève notamment l’état de ces nouvelles entités où les infrastructures demeurent absentes. Nonobstant ces éléments, les acteurs politiques tiennent à leurs « nouvelles provinces », quel qu’en soit le coût. Evidemment entre volonté et faisabilité persiste un fossé difficile à franchir sans en relever les défis.
D’aucuns trouvent dans cette installation précipitée la revanche du « glissement ». Les diverses tentatives ayant raté, le découpage territorial constituerait aujourd’hui la porte conduisant vers la prolongation du mandat et une éventuelle ouverture vers une transition qui ne dit pas son nom ! Le processus électoral serait un autre pilier de cette stratégie dite du « chaos ». Les conditionnalités posées par les différents camps arrangeraient bien quelques uns ! Le fait de ne pas enrôler les électeurs ayant atteint l’âge requis est un ingrédient qui s’ajouterait à ce mélange et corserait davantage ce cocktail. D’après certains observateurs, le dernier pilier de la stratégie pourrait être les attaques perpétrées à l’Est par les groupes armés et les massacres dans le Territoire de Beni, œuvre de présumés ADF, ainsi que les invasions périodiques des armées ougandaise et rwandaise ! Cette situation engendrerait de l’insécurité dans certaine partie de la République. L’écroulement de l’un des piliers sonnerait alors le glas du processus susceptible de conduire le pays vers l’alternance et rendrait difficile la tenue des élections sur l’ensemble du territoire national.
L’histoire de la Deuxième République pourrait-elle inspirer ?
Trois faits enregistrés durant la Deuxième République méritent d’être rappelés. L’histoire va-t-elle recommencer ou se répéter ?
En 1990, le Zaïre sous Mobutu avait mis en place ce que l’on avait désigné « la territoriale des originaires ». Il s’agissait de remettre les cadres territoriaux dans leurs provinces d’origine. Plusieurs cadres, bien qu’ayant regagné leur province, se sont retrouvé sans poste d’affectation jusqu’à ce jour ! Certains parmi eux étaient partis – presque chassés- en ayant pas eu le temps de se préparer.
Pour quitter la dictature et amorcer l’entrée dans la sphère démocratique, le Zaïre avait initié la Conférence Nationale Souveraine (CNS), en 1991. Ce forum qui avait regroupé les délégués des forces vives avait été lancé, le 7 août 1991, pour se clôturer, le 5 décembre 1992. Alors que la dynamique de cette conférence évoluait vers des institutions démocratiques, le pouvoir trouva une astuce pour l’arrêter par une « motion » ayant entraîné la lecture de la « tristement célèbre motion de la géopolitique » lue à la tribune par un délégué ! Cet appel réclamait le réaménagement de la représentativité des délégués selon le poids démographique de chaque province. Les travaux de la CNS étaient alors suspendus ; la réouverture de la CNS, en avril 1992, a été précédée, le 16 février 1992, par la marche des chrétiens qui entraîna d’innombrables victimes !
Au même moment, au Katanga sévissait une purge visant les Kasaiens qui étaient chassés dans des conditions effroyables et dépouillés de leurs biens ! Nombreux y avaient perdu la vie, d’autres se sont retrouvé au Kasai dans un univers qu’ils ne connaissaient guère ! Une manche des « identités meurtrières » était ainsi jouée. Le pouvoir de l’époque avait tenté de réitérer le même scénario à Kisangani. Le processus avait échoué car la population n’y avait pas adhéré ni souscrit. Néanmoins, quelques « non originaires » avaient reçu des menaces verbales lancées par des zélés proches du pouvoir.
Dans l’enthousiasme préparant l’arrivée de ces nouvelles provinces, les notabilités de chaque future entité s’agitent déjà. Dans la Province Orientale, l’ancien District de la Tshopo (bientôt Province de la Tshopo) a vu se réunir, du 7 au 15 avril 2015, un forum de réflexion sur le développement et l’émergence de cette nouvelle entité. Il en est sorti un cahier des charges à proposer aux futurs dirigeants. Les participants avaient notamment fait un plaidoyer quant au choix des futurs dirigeants qui devront répondre aux critères de compétence et d’intégrité ! Curieusement sous le couvert du développement est née une polémique sur le choix du futur Gouverneur de Province ? Des propos, à la limite, outranciers et xénophobes, auraient été adressés au Gouverneur en fonction (originaire de la future Province de l’Ituri) invité à faire ses bagages (sic) ! Un des organisateurs de ce forum avait, par la suite recadré le débat en assurant que tout Congolais qui désire s’installer dans la Tshopo serait le bienvenu : « Il peut exercer les activités politiques sans aucune crainte, et cela est encadré par la Constitution ». Qui pourrait croire à un tel discours quand en coulisse, les propos xénophobes sont distillés ?
Tout en tenant à préserver leur identité culturelle de l’espace kasaien même après le découpage territorial, les membres de l’ASBL « Grand Kasai » réunis, du 1er au 2 mai 2015, à Kinshasa ont discuté sur les enjeux électoraux, la décentralisation, le découpage territorial, l’industrialisation et sur les potentialités de développement de l’espace géographique regroupant encore les Provinces du Kasai Oriental et du Kasai Occidental. Demain il sera scindé en cinq nouvelles entités.
Partout c’est le même discours du développement qui se trouve en vedette, mais dans les coulisses profilent la xénophobie et les futures « disputes » entre différents Territoires et peut-être entre divers groupes ethniques pour occuper les postes stratégiques (Gouverneur de Province, Président de l’Assemblée Provinciale, etc). La répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections provinciales risquerait de constituer aussi une pierre d’achoppement.
Quid du fichier électoral ?
La CENI a opté pour l’exécution de son calendrier. Entretemps les listes électorales n’ont pas fait l’objet d’une réactualisation comme les partis de l’Opposition ne cessent de le réclamer. En effet, de 2006 à ce jour, il y aurait plus de 5 millions de nouveaux électeurs à inclure dans le fichier électoral. La rencontre des représentants de certains partis politiques de l’Opposition et la CENI n’a pas permis une quelconque avancée dans ce sens.
L’UDPS fait un pas en avant et un pas en arrière ! En annonçant, le 22 avril 2015, à Goma, la décision de déposer les candidatures aux élections provinciales, l’UDPS surprend. Elle entoure néanmoins cette décision de conditionnalités. Par la voix de Félix Tshisekedi, l’UDPS déclare : « Nous participerons, mais à condition évidemment que tous les préalables soient réalisés. Par exemple, par rapport au fichier électoral, les nouveaux «électeurs qui doivent être enrôlés ».
Amorcées dans la foulée de la décentralisation, ces élections risqueraient, comme le soutient l’AETA, « de conduire à une catastrophe électorale pire que celle de 2011 ». D’autres contestations pourraient surgir de ces nouvelles entités qui ne se verraient pas ainsi prises en compte dans la répartition des sièges dans les Assemblées provinciales.
La situation sécuritaire toujours instable
Les derniers développements de la situation à Beni traduisent l’exaspération de la population qui se sent abandonnée. Elle avait même menacé de prendre en charge sa sécurité en lieu et place de l’armée ! A l’Est même, les FDLR et d’autres groupes attaquent épisodiquement les FARDC. Certains axes routiers paraissent dangereux. En Ituri, les éléments du FRPI n’ont guère baissé la garde et poursuivent le harcèlement des FARDC. A cela s’ajoutent les incursions périodiques des armées ugandaise et rwandaise. Les FARDC semblent dépasser par la situation. Si cette situation perdure au moment des élections comment les opérations pourraient-elles s’organiser ?
Il serait peut-être prématuré et même illusoire de parler de la stratégie du « chaos ».Toujours est-il que les ingrédients d’un tel scénario se plantent inexorablement. Le couple « décentralisation – processus électoral » pourrait devenir demain le décor d’un bouleversement inattendu ! Il faudra craindre demain la xénophobie ou le renvoi des cadres de la Territoriale ou ceux œuvrant dans des sociétés paraétatiques vers leurs provinces d’origine au nom de nouvelles entités !
Posted Monday, May 4, 2015, by Jason Stearns at 2:28 PM et tiré du blog écrit par Noel Obotela Rashidi,professeur d'histoire à l'Université de Kinshasa et directeur adjoint du Groupe d'étude sur le Congo (GEC), un projet commun du Centre d'études politiques (CEP) et le Centre pour la coopération internationale (CIC) de l'Université de New York.
jeudi 3 septembre 2015
lundi 31 août 2015
mercredi 26 août 2015
mardi 25 août 2015
dimanche 23 août 2015
Une stratégie du chaos en RDC?
Une stratégie du chaos en RDC?
Ce texte a été écrit par Noel Obotela Rashidi, professeur d'histoire à l'Université de Kinshasa et directeur adjoint du Groupe d'étude sur le Congo (GEC), un projet commun du Centre d'études politiques (CEP) et le Centre pour la coopération internationale (CIC) de l'Université de New York.
L’annonce de la mise en route du processus de décentralisation a provoqué à la fois de l’enthousiasme et du pessimisme. Si les uns s’abritent derrière le principe du « rapprochement de l’administré de l’administration », d’autres, par contre, s’étonnent de la précipitation avec laquelle cette installation est menée. Ce groupe argumente et relève notamment l’état de ces nouvelles entités où les infrastructures demeurent absentes. Nonobstant ces éléments, les acteurs politiques tiennent à leurs « nouvelles provinces », quel qu’en soit le coût. Evidemment entre volonté et faisabilité persiste un fossé difficile à franchir sans en relever les défis.
D’aucuns trouvent dans cette installation précipitée la revanche du « glissement ». Les diverses tentatives ayant raté, le découpage territorial constituerait aujourd’hui la porte conduisant vers la prolongation du mandat et une éventuelle ouverture vers une transition qui ne dit pas son nom ! Le processus électoral serait un autre pilier de cette stratégie dite du « chaos ». Les conditionnalités posées par les différents camps arrangeraient bien quelques uns ! Le fait de ne pas enrôler les électeurs ayant atteint l’âge requis est un ingrédient qui s’ajouterait à ce mélange et corserait davantage ce cocktail. D’après certains observateurs, le dernier pilier de la stratégie pourrait être les attaques perpétrées à l’Est par les groupes armés et les massacres dans le Territoire de Beni, œuvre de présumés ADF, ainsi que les invasions périodiques des armées ougandaise et rwandaise ! Cette situation engendrerait de l’insécurité dans certaine partie de la République. L’écroulement de l’un des piliers sonnerait alors le glas du processus susceptible de conduire le pays vers l’alternance et rendrait difficile la tenue des élections sur l’ensemble du territoire national.
L’histoire de la Deuxième République pourrait-elle inspirer ?
Trois faits enregistrés durant la Deuxième République méritent d’être rappelés. L’histoire va-t-elle recommencer ou se répéter ?
En 1990, le Zaïre sous Mobutu avait mis en place ce que l’on avait désigné « la territoriale des originaires ». Il s’agissait de remettre les cadres territoriaux dans leurs provinces d’origine. Plusieurs cadres, bien qu’ayant regagné leur province, se sont retrouvé sans poste d’affectation jusqu’à ce jour ! Certains parmi eux étaient partis – presque chassés- en ayant pas eu le temps de se préparer.
Pour quitter la dictature et amorcer l’entrée dans la sphère démocratique, le Zaïre avait initié la Conférence Nationale Souveraine (CNS), en 1991. Ce forum qui avait regroupé les délégués des forces vives avait été lancé, le 7 août 1991, pour se clôturer, le 5 décembre 1992. Alors que la dynamique de cette conférence évoluait vers des institutions démocratiques, le pouvoir trouva une astuce pour l’arrêter par une « motion » ayant entraîné la lecture de la « tristement célèbre motion de la géopolitique » lue à la tribune par un délégué ! Cet appel réclamait le réaménagement de la représentativité des délégués selon le poids démographique de chaque province. Les travaux de la CNS étaient alors suspendus ; la réouverture de la CNS, en avril 1992, a été précédée, le 16 février 1992, par la marche des chrétiens qui entraîna d’innombrables victimes !
Au même moment, au Katanga sévissait une purge visant les Kasaiens qui étaient chassés dans des conditions effroyables et dépouillés de leurs biens ! Nombreux y avaient perdu la vie, d’autres se sont retrouvé au Kasai dans un univers qu’ils ne connaissaient guère ! Une manche des « identités meurtrières » était ainsi jouée. Le pouvoir de l’époque avait tenté de réitérer le même scénario à Kisangani. Le processus avait échoué car la population n’y avait pas adhéré ni souscrit. Néanmoins, quelques « non originaires » avaient reçu des menaces verbales lancées par des zélés proches du pouvoir.
Dans l’enthousiasme préparant l’arrivée de ces nouvelles provinces, les notabilités de chaque future entité s’agitent déjà. Dans la Province Orientale, l’ancien District de la Tshopo (bientôt Province de la Tshopo) a vu se réunir, du 7 au 15 avril 2015, un forum de réflexion sur le développement et l’émergence de cette nouvelle entité. Il en est sorti un cahier des charges à proposer aux futurs dirigeants. Les participants avaient notamment fait un plaidoyer quant au choix des futurs dirigeants qui devront répondre aux critères de compétence et d’intégrité ! Curieusement sous le couvert du développement est née une polémique sur le choix du futur Gouverneur de Province ? Des propos, à la limite, outranciers et xénophobes, auraient été adressés au Gouverneur en fonction (originaire de la future Province de l’Ituri) invité à faire ses bagages (sic) ! Un des organisateurs de ce forum avait, par la suite recadré le débat en assurant que tout Congolais qui désire s’installer dans la Tshopo serait le bienvenu : « Il peut exercer les activités politiques sans aucune crainte, et cela est encadré par la Constitution ». Qui pourrait croire à un tel discours quand en coulisse, les propos xénophobes sont distillés ?
Tout en tenant à préserver leur identité culturelle de l’espace kasaien même après le découpage territorial, les membres de l’ASBL « Grand Kasai » réunis, du 1er au 2 mai 2015, à Kinshasa ont discuté sur les enjeux électoraux, la décentralisation, le découpage territorial, l’industrialisation et sur les potentialités de développement de l’espace géographique regroupant encore les Provinces du Kasai Oriental et du Kasai Occidental. Demain il sera scindé en cinq nouvelles entités.
Partout c’est le même discours du développement qui se trouve en vedette, mais dans les coulisses profilent la xénophobie et les futures « disputes » entre différents Territoires et peut-être entre divers groupes ethniques pour occuper les postes stratégiques (Gouverneur de Province, Président de l’Assemblée Provinciale, etc). La répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections provinciales risquerait de constituer aussi une pierre d’achoppement.
Quid du fichier électoral ?
La CENI a opté pour l’exécution de son calendrier. Entretemps les listes électorales n’ont pas fait l’objet d’une réactualisation comme les partis de l’Opposition ne cessent de le réclamer. En effet, de 2006 à ce jour, il y aurait plus de 5 millions de nouveaux électeurs à inclure dans le fichier électoral. La rencontre des représentants de certains partis politiques de l’Opposition et la CENI n’a pas permis une quelconque avancée dans ce sens.
L’UDPS fait un pas en avant et un pas en arrière ! En annonçant, le 22 avril 2015, à Goma, la décision de déposer les candidatures aux élections provinciales, l’UDPS surprend. Elle entoure néanmoins cette décision de conditionnalités. Par la voix de Félix Tshisekedi, l’UDPS déclare : « Nous participerons, mais à condition évidemment que tous les préalables soient réalisés. Par exemple, par rapport au fichier électoral, les nouveaux «électeurs qui doivent être enrôlés ».
Amorcées dans la foulée de la décentralisation, ces élections risqueraient, comme le soutient l’AETA, « de conduire à une catastrophe électorale pire que celle de 2011 ». D’autres contestations pourraient surgir de ces nouvelles entités qui ne se verraient pas ainsi prises en compte dans la répartition des sièges dans les Assemblées provinciales.
La situation sécuritaire toujours instable
Les derniers développements de la situation à Beni traduisent l’exaspération de la population qui se sent abandonnée. Elle avait même menacé de prendre en charge sa sécurité en lieu et place de l’armée ! A l’Est même, les FDLR et d’autres groupes attaquent épisodiquement les FARDC. Certains axes routiers paraissent dangereux. En Ituri, les éléments du FRPI n’ont guère baissé la garde et poursuivent le harcèlement des FARDC. A cela s’ajoutent les incursions périodiques des armées ugandaise et rwandaise. Les FARDC semblent dépasser par la situation. Si cette situation perdure au moment des élections comment les opérations pourraient-elles s’organiser ?
Il serait peut-être prématuré et même illusoire de parler de la stratégie du « chaos ». Toujours est-il que les ingrédients d’un tel scénario se plantent inexorablement. Le couple « décentralisation – processus électoral » pourrait devenir demain le décor d’un bouleversement inattendu ! Il faudra craindre demain la xénophobie ou le renvoi des cadres de la Territoriale ou ceux œuvrant dans des sociétés paraétatiques vers leurs provinces d’origine au nom de nouvelles entités !
POSTED BY JASON STEARNS AT 2:28 PM
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