samedi 24 août 2013
Concertations nationales », une vaste comédie ?
Parlons sérieusement. Que va-t-on, très franchement, faire ou se dire
aux « Concertations nationales »? Trouver, comme on l’entend de-ci de-là, des
solutions à la crise multiforme que connaît le Congo? Si tel est l’objectif de
ces assises, le président de la République avoue ainsi, sans le reconnaître
clairement, son incapacité à gouverner le pays. Il doit alors tout simplement
rendre son tablier. Car gouverner, c’est décider, c’est trouver des solutions
aux problèmes – à tous les problèmes – qui surgissent de et au sein de la
société. Gouverner, c’est faire rigoureusement appliquer les lois, c’est
installer une administration publique outillée et efficace, c’est bien orienter
et impulser continuellement l’économie. C’est assurer la sécurité des personnes
et de leurs biens à l’intérieur et aux frontières du pays en mettant notamment
en œuvre une politique de défense nationale intelligente, c’est mener une bonne
diplomatie qui donne aux concitoyens une place utile et digne dans le concert
des nations, etc. Le président de la République reçoit le pouvoir pour réaliser
tout cela.
Aux présidentielles de 2011, Joseph Kabila s’était présenté devant les
Congolais avec un programme dans lequel figuraient ces différents aspects de la
gestion d’un pays. Et puisque disposant , sous sa férule et à sa totale
dévotion , de l’armée , de la police , des appareils judicaire et sécuritaire,
des majorités parlementaires confortables (au niveau national et dans toutes
les provinces), d’une société civile « dollarisée » et applaudissante, et,
surtout, des finances publiques, pourquoi Joseph Kabila peine-t-il à gouverner
, pourquoi a-t-il besoin de convoquer le ban et l’arrière-ban pour « trouver »
des solutions aux problèmes du pays ? Que lui manque –t-il pour ce faire ? La
difficulté de répondre à la question montre qu’il y a bel et bien un problème.
Lequel? C’est la grande énigme, ce que les Congolais cherchent à comprendre, ce
qui constitue, peut-être, la raison d’être des très discutées concertations
nationales.
Ces prochaines consultations (évitons de dire « dialogue » pour ne pas
fâcher certains) vont s’ajouter à la liste de grandes rencontres nationales
organisées au pays depuis 1960 qui ont toutes, chaque fois, prétendu installer
un « nouvel ordre politique et social ». Le Dialogue Intercongolais est la
dernière en date. S’en rappelle-t-on ? De quoi y avait-on parlé ? Les matières
sur lesquelles on devrait débattre au cours des (imminentes ?) concertations
(la paix, la cohésion nationale , l’ordre institutionnel et autres) n’y
avaient-elles pas été traitées?
Les vérités sortant de la confrontation des idées, le débat est donc
vivement recommandé dans toute démocratie, en permanence. Mais doit-on
éternellement débattre des mêmes choses ? Doit-on répétitivement établir les
mêmes diagnostics, identifier les mêmes causes sans jamais s’y attaquer? Et
c’est ici le vrai problème : l’absence de volonté ( politique) de changer
positivement et globalement le pays, d’entrer dans l’histoire ; le manque de courage
de s’attaquer aux antivaleurs , d’éradiquer les gangrènes de la société
congolaise actuelle que sont l’impunité généralisée, l’inquiétante et
grandissante avarice des gouvernants ainsi que la légèreté de leur
comportement, la truanderie institutionnalisée, le clientélisme et le népotisme
qui affaiblissent l’Etat, la prévarication et l’incompétence ambiantes,
l’affaissement moral du pays, …
La récente déclaration (un ballon d’essai ?) du très prudent Léon Kengo
Wa Dondo, le président du Sénat et du…Présidium des Concertations nationales –
qui n’a pas l’habitude de parler pour raconter des salades -, a certainement
levé le voile sur un des objectifs de celles-ci : le partage du pouvoir entre
le Pouvoir et l’Opposition dans un gouvernement d’union nationale. Cette
dernière va-t-elle mordre à l’hameçon et se faire prendre au jeu de la Majorité
Présidentielle qui développe – ce n’est plus un secret – toutes sortes de
mécanismes visant à contourner l’obstacle constitutionnel et à permettre à son
« autorité morale » de se représenter aux présidentielles de 2016. Et l’astuce
serait trouvée : remettre les compteurs à zéro, effacer les deux ans et demi
passés de l’actuel mandat du président de la République en organisant une
nouvelle Transition, à l’image de celle de 2003 à 2006. Le « second » mandat de
Joseph Kabila (re)recommencerait alors en 2016.
L’article 220 ne serait ainsi pas modifié ni violé, mais proprement
contourné. Réussira-t-on ce tour de passe-passe ? Rien n’est moins sûr.
Car la modification (ou le contournement) de l’article 220 est
aujourd’hui un exercice à haut risque. Les très vives et nombreuses réactions
négatives à la prose , à la « gymnastique intellectuelle » d’Evariste Boshab,
le très controversé secrétaire général du Pprd, auront été révélatrices de
l’état d’esprit de l’opinion : toute évocation, toute tentative de «chipoter »
la Constitution est aujourd’hui, tous les signaux politiques et sociaux le
montrent , malvenue pour une majorité des Congolais.
Et pourquoi, ciel !, le pays doit-il s’empêtrer dans des débats (et de
grosses dépenses) juste pour trouver comment un citoyen , président de la
République soit-il , pourrait rester ( longtemps) à son poste ? Renoncer au
pouvoir et à ses multiples avantages (honneurs, influence, argent,…) n’est pas
chose facile. Sans doute. Mais toute chose, toute activité humaine a une fin.
Le président Kabila et tous ceux (parents et courtisans) qui vivent ou
profitent directement ou collatéralement de son actuelle et prééminente
position, doivent accepter et « digérer » cette dure et incontournable loi de
la nature.
De nos jours , tous les chefs d’Etat africains qui quittent le pouvoir
de façon régulière, après l’exercice de leur (s) mandat (s) constitutionnel
(s), reçoivent une respectabilité internationale, un « certificat » de bon
démocrate. Joseph Kabila pourrait en bénéficier. Les membres avertis de la
famille, les amis (nationaux et étrangers), les intellectuels et les
conseillers politiques du président sont ici invités à prendre leur courage en
mains afin de faire voir au « chef » les durables avantages qu’il tirerait à
emprunter ce chemin de l’honneur. Entré au pouvoir par la petite porte, par «
héritage paternel inattendu et lui contesté », il en sortirait par la grande,
avec, en prime, un hommage national et mondial.
Ce groupe de proches est ainsi appelé à le dissuader de toute
obstination qui le pousserait à penser et à dire comme Mac-Mahon : « J’y suis,
j’y reste ». On ne peut imaginer le « politique » Joseph Kabila tenir
activement à l’organisation des concertations nationales sans en attendre un
profit conséquent. Et si l’objectif principal de celles-ci consiste – on en
entend de plus en plus le bruit – à l’autoriser à rempiler en 2016, elles
seraient alors, vraiment, une vaste et honteuse comédie.
WINA LOKONDO,Mbandaka
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