mardi 24 juillet 2012
Réaction à l'appel à l'unité et la mobilisation lancé par le pouvoir pour résister à l'agression rwandaise
Ces derniers temps nous n'attendons et ne lisons que ce discours
de la part de la mouvance kabiliste:
Mobilisons-nous
et regardons tous dans la même direction, pour bouter hors de nos frontières,
l’agresseur Rwanda/Kagame, et pour sauver le Congo de la balkanisation.
Nous nous efforcerons, à travers les lignes qui suivent, à
réserver notre réponse à cet appel. Autant vous le dire tout de suite, notre
réponse sera celles des congolais, à d’autres congolais. Vous savez comment ça
se passe chez-nous : bien que le pain soit toujours et de plus en plus
aussi court, le cortège présidentiel, le discours politique et le journal télévisé sont toujours très
longs. Aussi nous nous excuserons de la longueur de la réponse. Mais pour qu’elle soit moins
ennuyeuse, nous avons pris la liberté de la présenter sous un ton simple et
détendu.
Tout au long de la réponse, nous utiliserons le pronom « nous », non par politesse, mais
parce que nous exprimons ici, même si nous ne siégeons pas au palais de
Lingwala, le point de vue de plusieurs de nos compatriotes, avec qui nous avons
longuement échangé sur le sujet au point d’aboutir à des convergences
essentielles.
Cet appel est beau, il est louable, et nous l’applaudissons de
deux mains. Et nous disons que nous sommes toujours prêts pour apporter notre
pierre à toute entreprise vouée à la défense du Congo. Et même si nous
voudrions qu'il soit, au préalable, apporté, à cet appel, un peu plus
d'éclairage, nous disons, dores et déjà, et sans ambages, que nous sommes
d'accord pour mettre au frigo nos divergences politiques, de nous mobiliser et
de regarder tous dans la même direction.
Mais nos amis de la majorité qui ont des entrées sûres dans les
palais du pouvoir de Kinshasa, feraient œuvre utile, pour éclairer notre
ralliement à cet appel, de nous affranchir sur les deux points importants
ci-après :
1. Autour
de quelle démarche devrions-nous nous mettre d'accord pour renvoyer l'agresseur
chez-lui?
2. A
quel horizon temporel devrions-nous regarder pour l’atteinte de cet
objectif ?
Alors même que nous restons convaincues que toutes les
institutions actuelles sont illégitimes,
alors même que nous ne démordons pas d'un iota de notre conviction selon
laquelle la présence au pouvoir de Monsieur Kabila est usurpée et sa gestion
des affaires de l'Etat questionnable, vous
aurez remarqué, et certainement apprécié, notre dépassement de ne pas commencer
par demander autour de quelles institutions cette mobilisation et
cette unité devraient se faire.
Car vous et nous, nous nous connaissons à la perfection. Vous
nous auriez, avec indignation, réelle ou
feinte, tout de suite et sans coup férir, traiter de doux rêveurs inflexibles
et insensibles à la calamité qui sévit au Congo. Nous nous serions défendus
comme nous savons si bien le faire. Nous vous aurions parlé de la traitrise au
sommet de l’Etat, de la complicité et de l’intelligence avec l’ennemi et de
tant d’autres choses. Il se serait engagé un débat interminable comme nous
seuls congolais savons en tenir. Et pendant ce temps, le pays continuerait de
foutre le camp.
Nous nous sommes, contre mauvaise fortune, bon cœur, fait une
raison : Monsieur Kabila a le total impérium et le cordon de la bourse.
Alors, que pour une fois, il s'en serve pour quelque chose. Nous avons
donc opté de laisser au « Raïs », le bénéfice du doute.
Attaquons de ce pas la première préoccupation touchant à la
démarche, en vous priant toutefois, de nous permettre d’en motiver la
pertinence.
Nous sommes très ravis que
pour une fois, nous soyons, tous les congolais, d'accord sur :
a.
L'identité de l'agresseur.
C'est KAGAME et le RWANDA! Utilisés par une partie de la prétendue
communauté internationale. Bon, ici (sur l’implication de la communauté
internationale) on peut diverger. Mais on reste confiants quant à l’atteinte
imminente d'unanimité sur la compréhension de la question. Qu’on en arrive tous
à saisir que le CNDP/M23 n’est qu’un paravent de Kagame, c’est déjà un bon bout
de chemin intéressant fait ensemble. Comme ça au moins, personne ne viendra
nous faire avaler que ce sont des fils du pays avec qui il faut négocier pour
trouver des solutions à un conflit qui serait congolo-congolais. Et surtout
Limete ne tombera pas dans le piège tendu de la défense de la vérité des urnes,
quand on sait qu’ils ont battu campagne pour et voter Kabila.
b. le
but de l’agression
C'est l'annexion du Kivu (Nord et Sud) et la balkanisation du
Congo. Ici, aussi, cette perception partagée est cardinale, tant elle barre la
route à cette auto flagellation à laquelle nous sommes acculés, depuis près de
deux décennies, de croire que tous ces soulèvements tutsis à l’Est seraient dus
à la nécessité de se défendre ressentie par une ‘‘minorité’’ face à une
certaine menace d’extinction.
Nous bénissons le Seigneur pour cette identité de vues qui
commence à prendre corps, sans que pour cela, nous ayons eu besoin de chanter
les louanges de quelqu'un ou d'en vouer aux gémonies un autre.
Et si nous gardons tous la même lucidité, nous arriverions
certainement à nous poser, tous, une question essentielle : l’agresseur
Rwanda/Kagame n’étant pas à sa première aventure guerrière au Congo, son but
poursuivi, dont nous partageons la compréhension, a-t-il changé au fil d’expéditions,
ou a-t-il toujours été le même dès le début? Beaucoup plus clairement, nous
nous demanderions si Kagame, le même, venait en 1996, avec l’AFDL, et en 1998,
avec le RCD, en ami pour libérer le Congo; et que l’idée d’agresser notre pays pour
le balkaniser, ne l’aurait effleuré que sur le tard, quand il revient avec le
CNDP/M23?
Bien que la réponse à cette question soit tout aussi centrale,
nous n’en faisons pas, non plus, à ce stade, une condition sine qua none de
notre ralliement à la l’unité proposée. Car nous sommes conscients de l’effort
de remise en question existentielle qu’elle imposerait aux partisans du pouvoir
AFDL-RCD-PPRD-CNDP, et de la tabula rasa nécessaire à la relecture/réécriture
de notre récente histoire politique, à laquelle elle pourrait aboutir. Mais une
fois encore, nous faisons confiance à l’évolution de notre conscience
collective pour opérer ce dévoilement du regard historique et citoyen avant qu’il ne soit trop tard.
Nous
sommes flattés par l’appel à la mobilisation nationale, car à travers cet appel,
nous lisons également la victoire du dépassement sur la suffisance et le
triomphalisme qui nous ont été offerts jusqu’ici par la majorité dirigeante et
ses partisans. Nous osons aussi postuler que cet appel à la mobilisation
générale procède d’un respect sincère à l’égard de tous ceux à qui il est adressé,
les considérant comme des êtres conscients, dotés de réflexion et de capacité
d’interprétation, et non comme une masse anonyme dans laquelle, tous devraient
se confondre pour répéter les discours et applaudir les actions et initiatives
du gouvernement, quels qu’ils soient.
Nous
lisons les journaux, nous écoutons la radio et la télévision sur l’agression et
sur les actions menées par le gouvernement pour y faire face. Et la plus
notable de ces actions est certainement la signature de l’accord, entre le
pouvoir congolais et l’agresseur Rwanda/Kagame, pour le déploiement de la force
africaine à l’Est de notre pays, sur le théâtre où se déroule actuellement la
boucherie de notre population par Kagame. Et cet accord est signé pendant que
l’ONU, pour une fois, Dieu merci, sort de sa duplicité et publie un rapport où
elle affirme, sans détours, que Kagame est bel et bien au Congo où il travaille
à la balkanisation du pays. Cet accord intervient après que même le
gouvernement américain, connu pour ses faiblesses envers Kagame, a dépêché, là,
encore pour la première fois, un envoyé spécial dire ouvertement à Kigali de se
retirer du Congo et de cesser tout soutien aux « rebelles ».
Peut-être
que notre cher Tshibanda a eu raison de signer, en notre nom à tous, cet
accord. Et même si nous ne sommes pas si enclins à la répétition et aux
applaudissements des « grands », nous vous assurons que si vous nous
aidez à comprendre en quoi cet accord met fin à l’agression de Kagame et jugule
la mise en place de la balkanisation, nous
répéterons à tue-tête le texte de l’accord et applaudirons de deux mains sa
signature. Eh oui, vous auriez compris. Nous pouvons répéter et applaudir, mais
seulement, après interprétation.
Bon,
c’est vrai, on ne sait pas trop ce qu’en pensent les Belges et les Français. Soyons
bons princes et, de leur silence, ne leur tenons pas trop rigueur, les pauvres.
Ils sont déjà si occupés à trouver les prétextes à servir à leur opinion
publique, pour venir au sommet de la francophonie, dans une capitale par eux
boudée lors de l’investiture du président, hôte dudit sommet.
Mais,
heureusement, vous et nous, l’ONU, les américains, les britanniques et les
sud-africains (ça fait quand même beaucoup, non?), nous sommes aujourd’hui
d’accord que le Rwanda occupe nos terres. Pour une fois, nous partageons
« la majorité » et avec vous, et avec les puissants de ce monde par rapport
à la reconnaissance de la présence rwandaise chez-nous et de la raison de cette
présence.
Donc,
l’agresseur étranger occupe nos terres, et nous (admirez l’effort de nous
identifier à ce gouvernement et à son action que nous décrions) nous demandons
à l’Union africaine de venir, et de s’interposer entre nous et l’agresseur. Mende
Omalanga, l’homme au verbe facile, dit et redit, à longueur de journées, que le
Rwanda nous a agressés. Tshibanda, ayant constaté le silence de la francophonie,
s’en va le répéter à Paris, afin que nul n’en prétexte l’ignorance. Mais nous
nous engageons quand même à faire interposer la force africaine, chez-nous,
entre nous et l’agresseur! Le monde sait que Kagame est chez-nous. Le monde a
entendu Mende et Tshibanda. Le monde nous regarde et n’y comprend rien, surtout
quand il sait que l’initiative de l’accord n’est pas congolaise.
Ainsi
il y aura nous, d’un côté, une zone neutre au milieu, et l’agresseur de l’autre
côté, sur nos terres. Et nous, après nous en avoir remis à la l’ONU (MONUC/MONUSCO)
pour savoir et faire, à notre place, ce qui est bon pour garder le Congo
indivisible, sans résultats probants, nous nous remettrions cette fois-ci à
l’Union Africaine, pour veiller à ce que de l’autre côté, où nous ne serons
pas, Kagame ne continue pas le
dépeuplement de notre pays, par le déplacement forcé et la tuerie de nos
populations, et qu’il ne les remplace par des masse des « réfugiés
congolais rwandophones », pour atteindre l’étape du référendum sur l’autodétermination
du Grand-Kivu!!!
Nous
pouvons vous accorder tout le temps pour lire autant de pages et écouter autant
de discours, si vous nous faites l’honneur de nous expliquer le bien-fondé de
l’accord d’ADDIS. Vous n’y arriverez pas, parce que vous ne le ferez même pas.
Et vous ne le ferez pas, premièrement, parce que comme nous, vous aimez
suffisamment le Congo pour le vouer complètement à l’UA, et attendre de cette
dernière ce que l’UE et l’ONU n’ont pu donner au pays de Kimbangu. Le temps que
les africains se mettent d’accord sur qui va donner quoi et combien, en hommes
de troupes, en argent et en équipement, le pays aura deux fois foutu le camp!
Et
vous ne le ferez pas ensuite parce que comme nous, vous voyez très bien
l’irrationalité de la démarche. On ne peut pas soutenir que le Rwanda agresse
le Congo, que le M23 n’est qu’un paravent, et en même temps souscrire au
déploiement d’une force d’interposition entre l’agresseur et nous. En signant
ce papier, Tshibanda a fait remporter à Kagame une victoire décisive :
celle de faire passer le mouvement du M23 comme une affaire congolo-congolaise,
à laquelle, lui, Kagame, va contribuer à apporter la solution.
Ce
n’est pas que nous soyons pessimistes. Nous sommes tout juste ce que tout
peuple doté de conscience serait devant telle démarche : SCEPTIQUES. Nous
ne croyons pas à l’UA. Elle n’a jusqu’ici réglé aucun problème. Elle s’est
défilée en Lybie, elle a rasé le mur en Côte-d’Ivoire, elle multiplie les
menaces, sans plus, au Mali. Et subitement, elle retrouverait toute sa
« verdeur » pour venir nous sauver?! Pardon, nous croyons aux
miracles, mais nous ne sommes pas crédules à ce point.
Par
contre, nous croyons en vous, nous croyons en nous, nous croyons au Congo.
Quand les autres, plus grands, plus forts, plus équipés, n’ont pu rien faire
pour nous ; nous, déterminés, plus mobilisés, plus unis, nous avons pu
faire quelque chose. Nous l’avons fait en 1994 avec MAHELE et nos gars qui ont
chassé Kagame et sa bande hors des limites …du Rwanda! Si vous trouvez que
c’était trop loin, laissez-nous vous rappeler qu’en 2004, devant la MONUC
impressionnée, Nkundabatware, Mutebusi, Ntangada et compagnie, armés par
Kagame, ont été battus à plate-coupure par Mbudja Mabe et nos FARDC, et
repoussés … au Rwanda.
C’est
quoi alors cette histoire d’un Rwanda qui serait subitement devenu une foutre
de guerre que nous ne saurions vaincre militairement?
Et
pourtant à l’époque ce n’était pas aussi simple. C’était sous le 1+4 où le
consensus était difficile à dégager pour mener une action de cette envergure.
Nous avions un budget de moins d’un milliard de dollars. Nous n’avions pas de
chars, ni d’hélicoptères. La voix d’un Rwandais portait plus que celle de dix
congolais dans les instances internationales.
Aujourd’hui,
permettez-nous, toujours dans cet effort de dépassement, et pour vous rassurer
une dernière fois de notre bonne foi, de répéter, pour une fois, ce que le pouvoir et vous-mêmes nous dites à
longueur des journées : Kabila a seul la totalité de l’impérium, il a la
majorité absolue au parlement, le budget a été multiplié par dix, nous avons
des chars et des hélicoptères en nombre,
nous avons plus d’officiers et d’hommes des troupes qu’à l’époque,
Kabila a lancé la diplomatie agressive, agissante, et de développement.
Alors
pourquoi n’arrivons-nous pas à faire faire, à nos enfants, aujourd’hui, dans
des circonstances plus heureuses, le boulot qu’ils ont fait hier dans un
environnement beaucoup plus difficile? En allant à Minova et Bukavu en 2004,
les gars à Mbudja Mabe n’ont pas opéré des représailles sur les tutsis.
Pourquoi se comporteraient-ils autrement
aujourd’hui?
Que
sont donc allés chercher Kabila et Tshibanda dans cette galère africaine
d’ADDIS? Alors que Kagame était coincé de toutes parts, pourquoi lui ont-ils
offert une issue aussi généreuse? Pourquoi ont-ils choisi de faire
compliqué – transformer le pyromane en sapeur-pompier, alors qu’il
auraient fait plus simple en le boutant hors de notre territoire auquel il met
le feu!
Tombés
dans une passion aigüe du Congo à notre naissance, nous croyons en vous, nous
croyons en nous, et nous croyons au Congo. Nous croyons aux FARDC et sommes assurés
que si Monsieur Kabila leur donne les moyens et le commandement qu’il faut,
Kagame et Sultani fuiront d’eux-mêmes avant que nos gars ne débarquent sur
GOMA.
Si
vous arrivez à convaincre votre/notre gouvernement de :
a.
-renoncer à
l’accord d’ADDIS
b. -donner à l’armée
les moyens et le commandement nécessaires
c. -fixer un timing
(pas plus d’un mois) audacieux pour faire rentrer Kagame au Rwanda,
Vous
pouvez être sûrs que vous n’aurez même pas besoin de nous demander de faire
bloc avec vous contre l’agresseur. Nous rallierons toutes nos forces aux vôtres
et à celles de votre/notre gouvernement pour arrêter la folie des grandeurs de
l’homme « fort » de Kigali. Vous verrez les églises, les écoles, les
universités, les ongs, les jeunes, les hommes et les femmes, se mobiliser
spontanément à travers tout le pays.
C’est
ce que nous avons fait en 2004, même si, pour nous, à l’époque, 1+4 égalait
zéro. Nous n’en sommes pas, depuis lors, arrivés à aimer moins le Congo pour
qu’il en soit autrement aujourd’hui.
Agir
autrement et demander au peuple de se mobiliser pour soutenir une démarche
irrationnelle est de l’irresponsabilité, et même plus, de l’intelligence avec
l’ennemi. Donc de la trahison.
Ouvertement,
sincèrement, haut, et fort,
Nous
avons dit.
Anthony
Katombe
Pasteur,
analyste politique.
Anthony Micah Kabongo Katombe
Tel. +243 89 89 21 880
E-mail. tonykatombe@saintly.com
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